Santé cardiaque / Diabagaté Seydou, patient guéri d'un anévrisme, révèle : « La médecine et la technologie m’ont donné une seconde vie. »
Santé cardiaque / Diabagaté Seydou, patient guéri d'un anévrisme, révèle : « La médecine et la technologie m’ont donné une seconde vie. »
Vendredi 4 octobre 2024. J’ai rendez-vous avec Diabagaté Seydou, un patient atteint d’un anévrisme et qui a été opéré par le biais de la chirurgie cardiovasculaire en 2016, à l’Institut de cardiologie d’Abidjan. Arrivé à la cité Caféier 5 à Angré, où ce retraité, né en 1949, me donne rendez-vous, je l’informe de ma présence. Au téléphone, Diabagaté Seydou a une voix fébrile, ce qui sème le doute dans ma tête. Je soliloque sur l’opportunité de nos échanges. Je prends mon courage à deux mains et lui précise ma position exacte. « Oh, tu es là ? J’arrive... », me confirme-t-il. Je suis ballotté entre deux voix : l’une me demande d’abandonner, l’autre de patienter pour réaliser mon entrevue.
Après cinq minutes d’attente, mon téléphone crépite à nouveau. « Où es-tu ? Je ne te vois pas », lâche le monsieur. Je lève promptement la main gauche, mon téléphone plaqué à mon oreille droite. « Oui, je te vois », acquiesce-t-il. Alors que je m’attendais à voir un homme diminué, claudiquant et marchant à l’aide d’une béquille, j’aperçois un homme vif, vêtu d’un tee-shirt bleu nuit et d’un jean pantacourt bleu, sanglé d’une grosse ceinture en cuir marron clair, des sandales aux pieds, décochant de chaleureuses poignées de main à des passants qui le reconnaissent dans la foulée. Je me hâte vers lui.
À son niveau, Diabagaté Seydou me tend la main ; je me presse de lui tendre la mienne. Il m’écrase totalement les doigts en serrant d’une telle intensité que je n’arrive même pas à répondre à son « Comment ça va, mon fils ? ». Je balance lourdement la tête comme pour lui répondre, préoccupé à trouver un alibi pour sortir mes phalanges endolories de son énergique salutation. Me tenant par le bras, ce doyen, qui célébrera ses 75 ans le 8 novembre prochain, me susurre avec une moue à la commissure de ses lèvres : « Dr Afif est un bon médecin... Il écoute beaucoup et soutient ses patients ». Puis, me saisissant par l’avant-bras, comme à une parade nuptiale, il me conduit à son domicile, à la villa N°54 - nouveau système d’adressage PADA (projet d’adressage du District d’Abidjan).
Dans son salon, l’ancien fonctionnaire m’invite à m’asseoir dans ses énormes fauteuils. Je m’installe, m’enfonçant maladroitement. Au terme des échanges de civilités, Diabagaté Seydou m’accorde un entretien.
En 2015, Diabagaté Seydou souffrait d'un anévrisme nécessitant une intervention urgente. Les médecins jugent son cas suffisamment critique pour envisager une évacuation à l’étranger. Le coût global de l’opération, selon les estimations, s’élève à environ 10 millions de francs CFA.
Cependant, grâce à une chance extraordinaire, il est sélectionné parmi les sept patients retenus pour être opérés gratuitement par deux médecins ivoiriens, utilisant une technologie innovante en médecine : la chirurgie cardiaque, également appelée chirurgie cardiovasculaire.
Dans cette interview portrait, le patient retrace son expérience vécue avec la chirurgie cardiovasculaire. Sans faux-fuyants, il expose les prouesses de cette spécialité de médecine, qui lui a redonné l’espoir de vivre et d’avoir une seconde chance alors que son pronostic vital était sévèrement engagé. Interview!
:Diabagaté Seydou présentant l’un des clichés de sa radiographie, illustrant les maux dont il souffrait.
Comment débute votre expérience avec la chirurgie cardiaque ?
En 2015, alors que je préparais mon pèlerinage à La Mecque, j’ai dû passer une visite médicale. Lors de cette visite, une radiographie pulmonaire a révélé une anomalie si impressionnante que le médecin a immédiatement recommandé une intervention. J’ai alors expliqué que j’étais suivi par l’Institut de cardiologie d’Abidjan (ICA) depuis 2003 et que je devais consulter mon cardiologue pour discuter de la suite. C’est ainsi que je me suis rendu au CHU de Treichville, à l’ICA précisément, où j’ai consulté le professeur Koffi Allangba, aujourd’hui à la retraite.
Quel diagnostic a-t-il posé ?
Lorsqu'il a vu la radiographie, il m'a dit : « Écoute, mon fils, à ton âge, il est très important de te dire la vérité. Le pèlerinage, tu ne peux pas le faire, car tu as une anomalie au niveau de l'aorte. Il y a une fissure qui empêche le sang de circuler normalement, entraînant une fuite de sang sur le côté et formant un gros ballon (NDR : anévrisme (1)) qui peut éclater à tout moment. Je ne peux pas te dire quand, mais cela peut arriver à tout moment. »
Il m'a également conseillé de ne pas prendre le risque de partir en pèlerinage. J'ai donc pris cela en compte. Il a précisé que l'anévrisme devait être traité à l'étranger, car cela ne pouvait pas être fait en Côte d'Ivoire.
Qu’avez-vous fait ce diagnostic sentencieux inattendu que le médecin vous a donné ?
Malgré les conseils du médecin, j'étais déterminé à faire mon pèlerinage. J'ai finalement ignoré ses avertissements et je suis parti.
Lors de votre Hajj, avez-vous rencontré des complications liées à votre état de santé ?
Non ! Mais, malheureusement, c'était l'année - une bousculade a fait plus de 700 morts et de plusieurs blessés selon les autorités saoudiennes. J'étais parmi les sinistrés.
Comment la bousculade a-t-elle affecté les pèlerins présents ce jour du 24 septembre 2015 ?
À un moment donné, dans la procession, on revenait de Rafat, de Mouzalifat (voir photo d’illustration 1), très tôt le matin, vers 6 heures. On marchait. J'étais mal en point, c'était un monde fou. Et dans l'assemblée, doucement, on a senti qu'il y avait un blocage. On n'avançait plus. Mais au contraire, la pression de l'avant et de l'arrière devenait de plus en plus forte. Les gens tombaient. Moi, j'ai réussi tant bien que mal, et finalement, je me suis retrouvé en clinique, à l'hôpital, je ne sais pas comment. Donc je me suis retrouvé à l'hôpital.
L'arrière poussait de plus en plus fort, les gens tombaient vraiment. Moi, j'ai résisté tant bien que mal, et finalement, je me suis retrouvé à l'hôpital, je ne sais pas comment. Je me suis retrouvé à l'hôpital.
Je ne sais pas comment j'ai été sorti de cette cohue, parce que c'était vraiment terrible. Je me suis retrouvé à l'hôpital, et j'avoue que je ne sais pas comment. J'étais probablement dans le coma. Je ne sais pas comment j'ai été sorti de cette cohue, parce que c'était vraiment terrible.
À l'hôpital, ce que je retiens, ce sont des cauchemars. Je faisais des cauchemars. Les médecins se sont rendu compte que j'étais vivant et que je pouvais m'en sortir.
Parmi les rites du Hajj, le fidèle doit accomplir le rite de Mouzdalifa (ou Muzdalifa). Le pèlerin y rassemble ses prières de Dhohr et d'Asr, puis il doit effectuer la prière du Maghrib dans la vallée de Mouzdalifa, située entre le mont Arafat et Mina.
Donc, on vous a pris pour mort ?
Voilà, c'est ça. J'étais sur un brancard, et on m'a conduit là-bas. Ils ont commencé à me réveiller, puis on m'a mis en observation à côté, dans un fauteuil roulant. Quelque temps après, j'ai retrouvé mes sens, j'étais assis là.
Je me suis dit : « Mais qu'est-ce que je fais ici ?» J'étais complètement sale, mouillé, trempé. Je portais seulement le tissu blanc qu'on attache autour des reins.
Tous mes autres vêtements avaient disparu. Je me suis levé sans que personne ne me voie. Je suis passé par la porte de sortie, puis, paf, j'ai couru pour rejoindre le camp où nous étions installés. Cela m'a pris du temps, je suis arrivé vers le soir. Ils croyaient que j'étais mort.
C'était le deuil. Dans la tente où je suis entré, ils étaient ravis de me voir. Je me suis habillé, et je tiens à dire que dans notre équipe, nous étions quatre qui vivions dans la même chambre.
Sur les quatre, deux d’entre eux sont vraiment morts et sont restés là. C’est ainsi que je me suis retrouvé seul, mais j’ai continué le reste du pèlerinage et je suis arrivé sain et sauf. Pendant ce temps, mes parents ici - en Côte d’Ivoire - ne savaient pas si je vivais, car j’avais perdu tous mes téléphones portables et ils n’arrivaient pas à me joindre. Des amis pèlerins m’ont permis de les contacter. J’avais le numéro de mon grand frère, alors je lui ai téléphoné. Il était en larmes.
Que s’est-il passé donc à votre retour au pays ?
Quand je suis revenu, je n'ai pas trop souffert, c'était normal. Et puis, il y a eu un autre examen médical, je ne sais plus à quelle occasion. On m'a dit la même chose, que j'avais un anévrisme, que ça n’allait pas, qu'il fallait me traiter.
Donc, je retourne à l’ICA en urgence, le même jour, celle qui me reçoit, la professeure, Traoré Fatoumata (cheffe du service de consultations). Elle me dit : « Ah, ton cas est grave, il faut monter voir le professeur Kendja, responsable de la cardiologie à Treichville. » J’y accours.
Le professeur Kendja prend mes radios, il les regarde, et il m’assomme : « Monsieur Diabagaté, votre cas est extrêmement grave, il faut qu'on vous évacue. Il y a plusieurs destinations, mais je préfère voir avec nos contacts du Maroc ou de la Tunisie.
On a des contacts, on va les contacter et puis on vous dira combien ça coûte, mais l'estimation peut aller dans les 10 millions francs CFA, frais d'hôtel et tout compris. » J’ai dit : « Ok » Donc, je lui téléphonais régulièrement et il me répondait : «Non, pour le moment, je n'ai pas de réaction.»
Et puis un jour, je reçois un coup de fil du professeur Kendja lui-même. Il me dit : « Monsieur Diabagaté, j'ai une bonne nouvelle pour vous. Il y a deux jeunes Ivoiriens qui sont en France, qui arrivent pour justement faire le traitement dont vous avez besoin, et je dois vous dire que c'est une chance pour vous parce qu'ils font ça gratuitement.
L'opération est gratuite et tout ce que vous avez à payer, ce sont les médicaments. » Je me suis écrié : « Enfin, ça tombe bien ! » Il me retorque : « Ah oui, ça tombe bien. On verra avec eux et puis bon, on vous avisera après. »
Un moment après, il m'appelle et me dit : « Vous avez eu la chance, vous êtes parmi ceux qui ont été retenus, vous êtes sept à être retenus. » Ça c'était au mois d’avril 2019.
Puis, il poursuit : « Ils seront là le 1er mai. Donc, apprêtez-vous, venez, on va prendre des dispositions pour vous trouver des chambres. » Donc, une semaine avant, j'ai pris contact avec eux à nouveau. Ils m'ont mis en chambre en cardiologie le 1er mai, et puis, le 2, j'ai eu la première intervention. Ça s'est bien passé.
Combien de jours aviez-vous passé entre les mains des spécialistes ?
Je suis resté un jour en réanimation en chambre, et puis, deux jours après, je suis sorti de l'hôpital. Je suis resté seulement trois jours à l’hôpital. C'était une mission d’intervention chirurgicale humanitaire(2) réalisée par Dr Afif Ghassani - le praticien sous la conduite du professeur Amani Anderson de l’ICA et Dr Akougbé Lamine(3) - pharmacien.
Ils devaient partir quelques jours après, ils ne sont pas restés plus d'une semaine, ils ont opéré tous les 7. Le professeur Amani a assuré le suivi quand nos deux bienfaiteurs sont retournés en France. Pendant un certain temps, j'allais pour les pansements, et après pour les contrôles avec le professeur Amani. Tout s'est très bien passé.
Avez-vous subi une seconde intervention, après celle de mai 2019?
Pourquoi ?
C'était en 2021, Dr Afif était encore de passage à Abidjan, il m'a contacté, il m'a demandé de faire un examen de contrôle. Il s’agissait précisément de faire un scanner de contrôle. Le scanner qu'on a fait en 2021 a noté que l'anévrisme qui était au niveau de l'aorte a été bien traité. Malheureusement, l'anévrisme s'est retrouvé au niveau des reins.
La veine située au niveau des reins était parsemée de gonflements. Il fallait une deuxième intervention. Dr Afif m’a informé qu'il fallait le fare parce que l'anévrisme s’est installé à un endroit critique que sont les reins.
« Si ça touche les reins, ça va poser un autre problème, en plus du problème qui est déjà là. Donc, il faut faire une nouvelle intervention. Malheureusement, cette fois-ci, ce n'est plus gratuit, c'est payant ». Je lui ai dit qu'à cela ne tienne.
J'ai pris des contacts à certains niveaux, j'ai eu une assistance médicale, il a fait l'opération. Ça s'est très bien passé. Depuis lors, je ne le vois que pour des contrôles. Tous les ans, il me fait faire un scanner de contrôle. La dernière fois que je l'ai vu, il m'a dit : « Bon, ça va, maintenant on fera le scanner tous les deux ans pour le contrôle.» Le dernier scanner que j'ai fait, c'était au centre de radiologie au Plateau. C'était le 20 septembre 2023.
C'est vraiment un travail de spécialiste. Il insère l'appareil dans la veine, puis, une fois à destination, il positionne et déploie le dispositif, l'élargit, le fixe, et tout est terminé.
Comment la deuxième intervention chirurgicale s'est-elle déroulée ?
Le patient montre sur le scanner l’une des deux prothèses de 20 cm fixées par le Dr Afif, présentée sous forme de zigzags.
Quelles ont été vos réactions lorsque vous avez appris que vous alliez subir une intervention chirurgicale ?
Rien, en fait, je n'avais pas le choix. C'était la seule option possible. J'étais plutôt content d'avoir été traité. Lors de la première intervention, c'était sous l’aile droite, au-dessus de la cuisse. Pour la deuxième fois, c’est là qu’ils ont installé la prothèse, en faisant une ouverture sous l’aile gauche, au-dessus de la cuisse. C'est formidable. Je ne sais pas comment ils font, mais imaginez un peu : on insère une prothèse dans une veine, puis on en ajoute une deuxième en l'attachant à la première. C'est vraiment impressionnant.
Étiez-vous en éveil pendant votre opération ?
Eh bien, la deuxième fois, il a dit que j’allais suivre l’opération avec lui. Lorsque j’étais dans le bloc opératoire, à un moment donné, son équipe et lui se sont rendu compte qu’il était nécessaire de m’endormir. Donc, à chaque fois, j'ai été complètement anesthésié.
Aviez-vous des craintes ou des appréhensions avant l’opération ? Si oui, lesquelles ?
Non, je n'ai pas eu de craintes. En tout cas, tout s'est bien passé. Maintenant, tous les deux ans, je fais un contrôle. Il regarde et me dit que tout est normal, qu'il n'y a pas de problème. Tout va bien.
Comment l'équipe médicale vous a-t-elle accueilli ?
L'équipe du Dr Afif est formidable. Lamine et Afif sont devenus des amis pour moi. Ils m'ont mis à l'aise, et je suis vraiment content que tout se soit bien passé. Lors de la première intervention, quand ils sont arrivés à l’Institut de cardiologie d’Abidjan (ICA), on nous les a présentés. Les professeurs Amani Anderson et Kendja Flavien, chef du service de chirurgie cardiovasculaire, étaient présents aux côtés du ministre de la Santé de l’époque, Aka Aouélé, qui est venu nous voir. Nous étions tous les sept, opérés grâce à la technique de la chirurgie cardiovasculaire. Le ministre Aka Aouélé est venu constater les résultats par lui-même.
Que vous a-t-il dit, le ministre ?
Il était content et a dit que c'était très bien. Il a félicité l'équipe. Pour le reste, c'est entre eux, je ne sais pas ce qu'ils se sont dit. En tout cas, tout se passe bien. Je n’ai aucun problème avec le Dr Afif. Chaque fois que c'est possible, je lui envoie des personnes qui ont des soucis cardiaques.
Comment s'est déroulée votre expérience après l'anesthésie et pendant la récupération ?
Ça a été immédiat ! En fait, je n'ai pas passé plus de trois jours à l'hôpital après l'opération. La première fois, j'ai été opéré à l'Institut de cardiologie d’Abidjan, à Treichville, mais la deuxième fois, cela a été à l'Indénié. Tout s'est bien passé. Une fois que tu es opéré, deux ou trois jours plus tard, tu rentres chez toi. Tu dois revenir régulièrement pour les pansements. Ensuite, c'est fini. Une fois le pansement retiré, tu peux reprendre toutes tes occupations.
Quel constat faites-vous dans l'amélioration de votre santé ?
Vous le constatez. Comme je l'ai dit, je suis retraité et j'ai des activités adaptées à ma retraite. Régulièrement, dans la semaine, je fais du sport, notamment de la marche. Je peux marcher pendant une heure sans problème. De plus, je mange correctement et j'ai de l'appétit. Je ne ressens aucune souffrance, et ma tension est normale depuis un certain temps.
Quels ont été les plus grands défis rencontrés durant votre convalescence ?
J'avoue que le plus grand défi a été le premier jour, lors de la première intervention. Pendant que j’étais en réanimation, ma famille, mes enfants et mon épouse étaient très inquiets. Mais par la suite, tout s'est bien passé. Dès que je suis revenu dans ma chambre, tout était fini, et la vie a repris de plus belle. Je n'ai pas ressenti d'émotion particulière ; je me suis plutôt bien senti. Les médicaments que je prenais n’étaient pas compliqués. Ce sont des médicaments que j'avais l'habitude de prendre. On m’a simplement dit qu’ils avaient changé, c'est tout. Chaque matin, je prends mon comprimé, un seul par jour. Voilà, c'est tout.
Avez-vous bénéficié du soutien du personnel médical après l'intervention ?
Le personnel médical m'a soutenu, notamment en prenant en charge une partie des médicaments que je devais initialement payer moi-même. Le CHU de Treichville dispose d’un service social qui m’a beaucoup aidé. J’ai également bénéficié d’une réduction de près de 30 % sur les médicaments que je devais acheter. Ainsi, pour une opération qui aurait dû coûter près de 10 millions, j’ai finalement payé moins de 500 000 en tout, y compris les médicaments et l’hébergement.
Vous parlez de la première intervention ?
Oui, pour la première intervention, je n’ai payé que ce montant. Pour la deuxième intervention, comme je l'ai mentionné, j'ai bénéficié d'un soutien extérieur. Le montant était pratiquement le même : environ 7 millions et des poussières. Tout s'est bien passé, vraiment très bien.
Comment cette intervention a-t-elle transformé votre vie quotidienne ?
Ah oui, ça a vraiment changé ma vie, car je suppose que si je n'avais pas eu cette intervention en 2019, je ne serais peut-être plus de ce monde aujourd'hui. L'anévrisme était gros comme un ballon de tennis, et il pouvait se rompre à tout moment. C'est un mal pernicieux, on ne ressent aucune douleur. Quand ça éclate, c'est sans recours, on ne peut rien faire. C'est la mort certaine. Alors vraiment, je suis reconnaissant et heureux. Aujourd'hui, je peux voyager à l'intérieur du pays sans difficulté, et ça me donne une nouvelle liberté.
Quelles étaient les activités que vous ne pouviez pas faire par le passé et quelles sont celles que vous pouvez faire maintenant ?
Avant, il y avait certaines activités que je ne pouvais pas faire, comme courir, par exemple. D’ailleurs, je ne cours toujours pas, car le médecin m’a conseillé de ne pas soulever de poids au-delà d’une certaine limite. Je dois éviter tout ce qui est trop lourd. Au début, j’avais aussi des difficultés à soulever mon bras gauche, mais aujourd’hui, tout cela est derrière moi. Maintenant, je n’ai plus de problème. Comme je l'ai mentionné, je fais mes exercices physiques, notamment la marche.
Comment vous sentez-vous par rapport à votre santé aujourd'hui après la chirurgie ?
Je me sens bien, ma tension est sous contrôle. Avant, j'avais régulièrement des poussées de tension, mais maintenant, c'est stabilisé. Ma tension est autour de 12/7, ce qui est bon.
Si vous pouviez revenir en arrière, auriez-vous fait quelque chose de différent ?
Si l'opération n'avait pas eu lieu, je dois avouer que je n'avais aucune autre solution. Aller à l'étranger pour me faire soigner n'était pas une option, c'est certain, car je n'en avais pas les moyens. Sans cette intervention, c'était une mort programmée, c'est sûr. (Rires) Cela m'aurait également profondément déprimé. Savoir que l'on souffre d'une maladie grave sans pouvoir se soigner, c'est très difficile à vivre. Ça mine le moral, ça affecte la famille et tout ce qui nous entoure.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui s'apprête à subir une intervention chirurgicale similaire ?
Pour ceux qui ont des problèmes de ce genre, je les conduis tous chez le Dr Afif. Ils sont d'ailleurs toujours contents. Quand je vais régulièrement à son cabinet, je croise d'autres patients qu'il a traités, et nous partageons notre satisfaction. Je me souviens d'une fois où j'ai vu un fils qui était venu avec des présents (boubous traditionnels) pour remercier le Dr Afif. Ce dernier était accompagné de son père, qu'il avait sauvé. Vraiment, je considère le Dr Afif comme une chance pour la Côte d'Ivoire. Au lieu de dépenser beaucoup d'argent à l'étranger, si nous pouvons bénéficier de soins de qualité localement, c'est tant mieux.
Je sais qu'il bénéficie d'une bonne réputation par le biais du bouche-à-oreille. Des personnes venant de l'étranger sont au courant de ses compétences. Dans certains pays africains, on cherche même à lui donner la nationalité et les moyens d'exercer pleinement son métier.
Par exemple, j'ai entendu parler d'une histoire qui s'est déroulée au Gabon. Je crois qu'ils continuent de solliciter le Dr Afif jusqu'à présent, car ils disent que grâce à lui, ils dépensent moins. Les frais d'évacuation et autres sont réduits. C'est vraiment ça. Si on pouvait, au niveau de la Côte d'Ivoire, le stabiliser et qu'il puisse former d'autres médecins, ce serait idéal. Parce que vous comprenez que ce n'est pas juste de la théorie ; il faut réellement avoir l'expertise.
Avez-vous une anecdote à partager avec nos lecteurs ?
Avant qu'il ne parte en voyage (NDLR : Dr Afif est parti en France pour deux semaines depuis le 27 septembre 2024), je l'ai vu il y a exactement une semaine. Lorsque je suis arrivé, il est sorti avec un jeune Européen pour m'accueillir. C'est à ce moment-là qu'il a parlé de moi.
Il m’a dit que le jeune homme était le fils d'un de ses patrons à Mulhouse et qu'il était médecin. Dr Afif a reçu l'ordre de l'encadrer pour qu'il s'habitue à la technique qu'il pratique. Donc, il était avec lui.
Cela montre que ses compétences sont reconnues en France. La preuve, c'est qu'il se rend là-bas presque tous les trois mois pour effectuer des interventions avant de revenir. Je pense qu'il aime la Côte d'Ivoire. Il aurait pu rester là-bas et continuer son travail, car ils ont toujours besoin de lui. Tous les deux ou trois mois, il reste un mois en France pour ces interventions avant de revenir.
Quel message souhaitez-vous transmettre au sujet de la chirurgie cardiovasculaire ?
C'est quelque chose de nouveau. Même dans le domaine de la médecine générale, c'est récent. Il paraît que la technique utilisée a été développée à partir des recherches menées pour les astronautes, qui ont ensuite été adaptées à la médecine. Lorsqu'ils sont dans l'espace, ils se soignent grâce à cette technique révolutionnaire. Avant, il fallait ouvrir complètement le cœur et la poitrine, ce qui était un travail très complexe. Maintenant, avec ces nouvelles techniques, on réalise de petites incisions. Par exemple, l'ouverture ne dépasse pas deux centimètres.
On introduit des prothèses dans l'aorte par cette petite plaie. Le chirurgien doit être extrêmement précis, car une erreur pourrait nécessiter de recommencer l'intervention, ce qui n'est pas souhaitable.
C'est un travail qui exige une grande précision chirurgicale. Une fois que la prothèse est en place, on ne peut plus revenir en arrière. Il faut donc maîtriser son sujet et avoir une connaissance approfondie de l'anatomie humaine, car chaque détail compte.
Pour terminer, quel message aimeriez-vous transmettre à ceux qui hésitent à se lancer dans l'expérience ?
Ils ont tort d'hésiter. Il ne faut vraiment pas avoir de doutes. Il n'y a aucun mal à cela, et tout se passe très bien. Pour ma part, j'ai été opéré pour la première fois le 2 mai, et deux ou trois jours après, j'étais déjà sorti de la clinique. Depuis, je n'ai pas eu de problème. Quand je me rendais à mes visites, je ne voyais même plus les médecins, ce sont les infirmiers qui me prenaient en charge.
Ils m'appelaient régulièrement. Tous les trois mois, voire tous les six mois, je retournais voir les médecins. Il n'y a pas de souci, tout se passe très bien. Je peux le dire, il n'y a aucune douleur. Une incision toute petite, c'est comme une simple clé.
Après l'opération, il suffit de renouveler le pansement, peut-être une fois par semaine. Au bout de deux mois, c'est terminé. On enlève le pansement et c'est fini. J'ai posé la question au Dr Afif et je lui ai demandé si la prothèse était à vie. Il a confirmé qu'elle est fixée à vie. Je vis avec ça. Si je vous dis que j'ai 40 centimètres de prothèse, est-ce que vous me croirez ? (Rires)
Interview réalisée par Patrick KROU
Anévrisme : dilatation localisée d'une artère. Il est souvent provoqué par une faiblesse du tissu vasculaire, mais il peut aussi survenir plus tard dans la vie en raison d'une maladie, d'un traumatisme crânien, de la prise de contraceptifs oraux ou de certaines habitudes de vie (tabagisme, consommation excessive d'alcool).
2-La mission humanitaire chirurgicale a démarré le 2 mai 2019 à l’institut Cardiologique d’Abidjan et a permis, grâce à Dr Afif Ghassani, chef de service du Groupe hospitalier régional, Mulhouse Sud-Alsace (France) et au Prof Anderson Amani de l’ICA de sauver trois vies par une technique de chirurgie vasculaire qui ne s’est jamais réalisé dans toute l’Afrique de l’Ouest. Plusieurs autres malades attendent leur tour. L'opération durera jusqu'au 13 mai.
3-Dr Akougbé Lamine, pharmacien responsable d'étude clinique en France pour le laboratoire COOK Medical fabricant d’implants et prothèses.