Alphonse N’Guessan, Directeur en charge de l'Adressage au MCLU : "Jusqu'au 31 décembre 2025, l'ensemble des 14 000 voies sur le territoire d'Abidjan, dont 35 boulevards, 211 avenues, recevront des plaques"
Alphonse N’Guessan, Directeur en charge de l'Adressage au MCLU : "Jusqu'au 31 décembre 2025, l'ensemble des 14 000 voies sur le territoire d'Abidjan, dont 35 boulevards, 211 avenues, recevront des plaques"

Le projet d'adressage des voies et lieux publics du district autonome d'Abidjan est entré dans sa phase active. Dans cet entretien, Alphonse N'Guessan, Directeur en charge de l'adressage au ministère de la Construction, du Logement et de l'Urbanisme explique le mode opératoire et la pertinence du projet.
En quoi consiste l'adressage des rues ?
Les projets d'adressage ont démarré en Côte d'Ivoire depuis la période des indépendances. Avec l'essor économique qu’a connu le pays depuis 2010, et singulièrement avec les nombreux investissements sur la ville d’Abidjan, le gouvernement a souhaité que la Côte d'Ivoire modernise sa façon de se repérer sur l'ensemble du territoire national en prenant comme projet pilote la ville d'Abidjan.
Avec l'appui de la Banque mondiale dans le cadre de la compétitivité de nos territoires, la Côte d'Ivoire a bénéficié d'un financement de 10 milliards de francs CFA pour engager le projet d'adressage d'Abidjan.
Il s'agit en effet de faciliter et d'utiliser un référentiel unique en matière de repérage sur nos territoires. Par le passé, chacune des entités et des personnes avaient une façon de s'orienter et de se repérer sur le territoire. Ce qui ne facilitait pas l’épanouissement et le développement des activités économiques.
Ce référentiel se décline suivant un numéro, le nom d'une voie, accompagné d'un code postal. Cela devra faciliter et améliorer notre circulation, notre repérage et bonifier les activités économiques sur notre territoire à travers l'utilisation d'un référentiel unique en matière d'adressage.
Pour conduire ce projet, nous nous sommes inspirés des anciennes expériences que nous avons connues en matière d'adressage au niveau local et bénéficier des expériences des pays extérieurs. Le projet a démarré avec une étude de faisabilité qui a permis d'arriver à un certain nombre de conclusions et de choix techniques à opérer. Nous donnons ainsi un numéro et un nom à toutes les voies de notre territoire.
L'étude de faisabilité a recommandé que nous mettions en place un organe de pérennisation des projets d'adressage au niveau national, dénommé Centrale d’adressage, logé au BNETD, à travers une base de données créée en son sein.
Il a en outre été convenu que nous confions la mission de constitution des bases de données de noms à l'Université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan, qui est une entité centrale qui renferme un certain nombre d'expertises en matière de sociologie, de linguistique, d'histoire et de géographie afin d’accompagner les collectivités décentralisées. S’inspirant de l’expérience malheureuse du projet d'adressage de 1995, avec la question de la toponymie, il a été recommandé d’accompagner les collectivités décentralisées qui, dans leur fonctionnement, ont la prérogative de la dénomination des voies, par l'Université d'Abidjan.
Il a également été recommandé que nous mettions en place, en amont, une plateforme de partage des données de sorte que l’ensemble des informations collectées serve à l'ensemble des entités, des structures sur le territoire pour améliorer leur fonctionnement et leur capacité de déploiement sur le territoire.
Les concessionnaires des réseaux, notamment les concessionnaires de l'eau et d'électricité, le ministère en charge du Budget avec le Cadastre, la Poste et bien d’autres structures, notamment les plateformes de navigation GPS et celles qui utilisent les applicatifs pour la distribution et la circulation, ont été associés à cette plateforme afin de leur faciliter la tâche sur l’ensemble du territoire national. Et ce, afin que le projet d'adressage d'Abidjan puisse se mettre aux normes internationales.
L’autre recommandation a consisté en la mise en place d’un code postal réparti sur l'ensemble du territoire en termes d'aménagement du territoire. Ainsi, toute personne qui passe la commande d’un matériel à travers une localité dans le monde, peut le retrouver chez elle sans grande difficulté, d’autant plus que nous avons une adresse fixe en donnant le nom et le numéro d'unité d'occupation sur laquelle la personne est située grâce au code postal.
Un certain nombre d'activités sont cependant nécessaires à conduire en matière d'adressage. Après les activités préalables qui consistent à délimiter les voies, il y a les enquêtes de terrain qui consistent à parcourir l'ensemble du territoire sur lequel nous travaillons, à recenser tout ce que nous avons appelé unité d'occupation, c’est-à-dire les habitations, les activités économiques d’une certaine envergure (banques, commerces, pharmacies), les équipements socio-éducatifs, sanitaires, sportifs et de loisirs que nous trouvons sur le territoire, ainsi que d’autres références.
Après ce recensement, des calculs sont faits en bureau pour déterminer le numéro ou la première partie de l'adresse de ces unités d'occupation. Après quoi, nous procédons au pochage, c’est-à-dire la matérialisation à la peinture bleue sur les portes d'entrée de ces unités d'occupation.
À la suite du pochage, nous passons à la troisième phase du projet qui consiste à la constitution d'un répertoire toponymique qui vient un peu plus en amont avec les collectivités décentralisées avec lesquelles nous travaillons pour constituer les toponymes que nous affectons par la suite sur les voies.
À la fin de ces activités, il y a un processus de validation qui va jusqu'au Conseil des ministres pour les faire valider. C'est seulement après que les commandes des plaques sont passées et que nous commençons à les poser sur le territoire.
Dans le cadre de ce projet, nous avons recensé, lors des enquêtes de terrain, près de 400 000 unités d'occupation, donc 400 000 adresses que nous allons donner aujourd'hui à Abidjan.
Le gouvernement, dans sa volonté de pérenniser le projet, a souhaité que les unités d'occupation qui ont été pochées fassent l'objet d'un marquage à travers de petites plaques bleues qui sont en train d'être posées sur le territoire d'Abidjan.
Nous avons fini avec la pose des plaques dans toutes les communes du Sud et du Centre d'Abidjan, c'est-à-dire depuis Port-Bouët, Koumassi, Marcory, Treichville, Plateau, Adjamé et une partie d'Attécoubé.
Aujourd'hui, nous entamons avec la commune de Cocody, pour progresser sur la commune de Bingerville, remonter par la suite sur Abobo-Anyama, puis entamer les communes de Cocody, Yopougon et Songon en dernière position.
À côté de la pose des plaques des unités d'occupation, le gouvernement a commandé 80 000 plaques pour l'ensemble des voies du District Autonome d'Abidjan.
Nous avons à ce jour environ 15 000 plaques disponibles dans nos entrepôts pour lesquelles nous avons commencé la pose dans les communes du Sud d’Abidjan. Nous allons progresser pour couvrir l'ensemble du territoire.
Il faut indiquer que dans le processus de dénomination des voies, nous avons déjà une expérience sur le projet de 1995 qui, à l'époque, avait nécessité de trouver 6 000 noms pour l'ensemble des voies d'Abidjan sur une période de deux ans.
Le gouvernement a donc laissé la latitude aux collectivités décentralisées, qui en ont la compétence, de trouver les noms pour leur territoire, d’autant plus que les noms sur les voies ne devraient pas se répéter sur l'ensemble du territoire d'Abidjan.
Ce projet n'a pas pu aboutir. Raison pour laquelle nous avons été obligés de mettre les codes que nous retrouvons dans les rues aujourd'hui sur les plaques. Cela était une activité transitoire qui devrait être muée avec les noms des voies que nous devons trouver.
Bénéficiant de cette expérience de 1995, le gouvernement a souhaité que l'Université Félix Houphouët-Boigny accompagne les collectivités. Une vaste opération a à cet effet été conduite par la Cellule d'analyse des politiques économiques de l'université d'Abidjan (CAPEC), pour s'assurer du niveau d'appropriation des noms qui existaient déjà sur le territoire par les populations, et comment les collectivités pouvaient constituer de nouveaux noms pour les voies sur le territoire.
À titre d’illustration, sur les 14 279 voies identifiées à Abidjan, 532 portaient déjà des noms. Il avait donc été demandé à l'Université de s'assurer que ces noms étaient fortement appropriés par la population. Malheureusement, il ressort de l’étude qui a été faite que les populations ne s’étaient pas approprié ces noms. Ce qui a engendré une modification de certains noms.
Les noms qui étaient les mieux appropriés sont restés. L'université a également accompagné les communes dans la constitution des répertoires.
Rappelons qu’à Abidjan et au niveau national, nous avons trois catégories de voies : les boulevards, qui sont les voies structurantes, les voies les plus rapides, auxquelles s'accrochent des avenues et sur les avenues s'accrochent des voies dans nos rues qui peuvent être déclinées en impasses, en ruelles et autres.
Pour la dénomination de toutes ces voiries, l'université a proposé une charte qui a été validée de façon consensuelle avec l'ensemble des parties prenantes (structures décentralisées, c'est-à-dire les communes, les structures déconcentrées, les services du District, les administrations centrales, les chancelleries, c'est-à-dire les ministères en charge de l'Artisanat, du Sport, de la Culture, de la Francophonie, la Grande Chancellerie, les organisations de la société civile, les chefs traditionnels, les chefs religieux, les autorités coutumières, une partie de la société civile et bien d’autres entités, dont l’ASCAD), pour donner leur avis en dernier ressort sur demande du gouvernement, sur la charte qui a été proposée par l'Université. C'est au terme de ce processus que la charte pour l'affectation des noms sur les voies a été arrêtée.
Ainsi, sur les boulevards, ce sont nos premières autorités (politiques, administratives, culturelles, historiques), et un certain nombre de nos premières valeurs fortes, telles que la paix, la cohésion, l'entente. Ce sont l'ensemble de ces autorités et concepts qui sont sur les voies les plus importantes.
De façon exceptionnelle, un certain nombre de dérogations ont été faites. Toutefois, tous les Chefs d'État de Côte d'Ivoire devraient avoir un nom sur les boulevards. Les personnes qui ont marqué l'histoire de notre territoire en termes de culture, de richesses scientifiques sont également sur ces voies.
Par exemple Madame Mariam Dicko, qui est la première chimiste de Côte d'Ivoire, a son nom sur l'un des boulevards d'Abidjan. Le premier Président de la République, Félix Houphouët-Boigny, a également son nom sur l'un des boulevards du territoire d'Abidjan.
Sur les avenues, nous descendons à une échelle en dessous, en termes de personnalités, aussi bien politiques, administratives, culturelles, traditionnelles et scientifiques. Un certain nombre de nos valeurs et cultures, de notre histoire, notre faune, sont sur ces voies.
Au niveau local, c'est la même hiérarchie qui est proposée, où une délibération est faite et transmise au niveau du ministère de la Construction, avec une délibération des Conseils municipaux.
Cela est mis en forme, transmis au gouvernement, qui statue sur la pertinence de ces propositions avant de prendre un décret pour valider ces noms.
Ce processus permet d’éviter qu'à chacune des situations qui se présentent, les noms puissent être changés comme on le souhaite. Aussi, la modification d’un nom déjà validé nécessite de suivre le processus qui est d’aller jusqu'au gouvernement.
À ce jour, sur les 14 000 voies que nous avons, dont 35 boulevards, 211 avenues, et le reste constitué de rues, nous avons validé environ 12 000 voies à Abidjan qui couvrent les communes du Sud jusqu'à Abobo. Il ne reste que 2 800 noms à valider dans la commune de Yopougon. Jusqu'au 31 décembre 2025, l'ensemble des voies devrait recevoir des plaques.
Aujourd'hui, nous avons transmis à la plus grande plateforme d'outils de navigation (Google Maps) 2 300 noms. Dans les semaines à venir, nous devrons transmettre les 11 000 autres voies.
Avant la fin du premier semestre 2025, on devrait pouvoir naviguer sur l'ensemble de notre territoire avec les nouveaux noms qui seront appropriés par nos populations, et qui devraient nous permettre d'améliorer fondamentalement notre système, notre façon de fonctionner, de circuler sur notre territoire.
Je voudrais réaffirmer la volonté du gouvernement de conduire à terme ce processus qui, aujourd'hui, des premiers échos que nous avons en termes d'appropriation au niveau du Sud, et des toponymes qui ont été proposés, sont bons. Nous voulons continuer à sensibiliser la population pour un comportement civique dans le travail qui est fait aujourd'hui.
Ce sont des plaques, des matériaux qui ne sont pas réutilisables. Cela ne vaut donc pas la peine de chercher à les vandaliser pour les recycler dans d'autres matériaux.
Ce sont 10 milliards de francs CFA qui ont été investis. Nous devons tous avoir un comportement civique dans l'utilisation de ce matériau. Avec les nouveaux systèmes, les smartphones que nous avons, je suis rassuré sur l'appropriation de ce nouveau système par nos populations.
Après le succès que le projet d'Abidjan a connu en ce qui concerne sa phase opérationnelle de déploiement sur le terrain, le gouvernement ambitionne de déployer ce projet à l'intérieur du pays.
À l'horizon 2030, il est prévu d'adresser 15 villes, les 15 pôles économiques majeurs de l'intérieur du pays. Nous avons déjà commencé avec les trois premières villes, notamment Yamoussoukro, notre capitale politique, Korhogo, un pôle économique majeur dans le nord de la Côte d'Ivoire, et puis Daloa, dans le centre-ouest de la Côte d'Ivoire, sur lequel aujourd'hui, ces projets sont en train d'être déployés.
Nous avons pratiquement fini avec les enquêtes de terrain. Les pochages sont également finis à Yamoussoukro. Nous sommes sur le pochage à Korhogo et Daloa.
La dénomination des voies à Yamoussoukro est également finie. Nous entamons la dénomination des voies dans les deux autres communes.
Après ces trois communes, nous allons poursuivre sur les 15 pôles économiques majeurs. Jusqu'en 2030, nous devons avoir une quinzaine de villes de la Côte d'Ivoire qui devraient être adressées et permettre d'améliorer le fonctionnement et la circulation sur ces territoires.
CICG