Abidjan Art Week 2025: Quand l'univers de Kourouma inspire les arts visuels

Abidjan Art Week 2025: Quand l'univers de Kourouma inspire les arts visuels

25/04/2025 - 14:03
Abidjan Art Week 2025: Quand l'univers de Kourouma inspire les arts visuels
Abidjan Art Week 2025: Quand l'univers de Kourouma inspire les arts visuels

Après le succès de sa première édition en 2024, la deuxième édition de ’‘’Abidjan Art Week’’ a débuté le mercredi 23 avril 2025.

La cérémonie d'ouverture, axée sur le thème ‘’Inspirations Kourouma’’, a eu lieu à la Galerie La Rotonde des Arts contemporains, à Abidjan-Plateau, en présence de nombreuses personnalités du monde des arts et des lettres.

Du 23 avril au 21 mai, l’exposition d'art éponyme, véritable dialogue structurant entre le 3e art (les arts visuels) et le 5e art (la littérature), présente environ quarante tableaux captivants qui revisitent les moments clés et les thèmes des œuvres littéraires du grand écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003).

Le professeur Yacouba Konaté, Directeur de La Rotonde des arts et commissaire de cette exposition, a expliqué que l’objectif principal est de mettre en lumière la richesse de l'inspiration qui émane de l'œuvre de Kourouma.

Cette exploration heuristique inclut la tradition, la figure du patriote, la condition féminine, le destin tragique des enfants soldats et l'ombre des dictatures.

Citant l'écrivain tchèque Milan Kundera, qui considérait qu’« un grand écrivain est celui dont les œuvres ont été traduites dans toutes les langues, mais surtout dans sa propre », le professeur Konaté a souligné la portée universelle de Kourouma : « Les romans d’Ahmadou Kourouma ont été traduits en plus de 30 langues, dont l’allemand, l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le japonais, le portugais, le tchèque et le yoruba.

Ahmadou Kourouma n’est pas seulement l’auteur ivoirien le plus traduit, il est également celui qui a récolté le plus grand nombre de distinctions : Prix de la Francité à Montréal, Prix de l’Académie Royale de Belgique, Grand prix Afrique Noire en 1990, Prix Renaudot (2000) et Prix Goncourt des Lycéens (2000)... », a précisé le professeur Yacouba Konaté, ami de l’écrivain dont l'œuvre majeure, ‘’Les Soleils des indépendances’’ l’a consacré avant son décès à l’âge de 76 ans.

Mais l'originalité de cette exposition réside dans son approche novatrice, comme l’a souligné le philosophe et curateur. Au-delà de la simple présentation de la vie et des œuvres de Kourouma, le professeur Yacouba Konaté a eu l'idée audacieuse d’offrir cette matière littéraire riche comme source d'inspiration à de jeunes talents de la peinture ivoirienne contemporaine, créant ainsi un dialogue intergénérationnel et interdisciplinaire d'une richesse exceptionnelle.

Au nom de la famille Kourouma, Sophie, la fille de l’écrivain, a exprimé sa profonde gratitude envers le professeur Yacouba Konaté pour cette "résurrection artistique", le décrivant comme le confident et le complice de son père. « Il est de coutume de dire que les morts ne sont pas morts tant qu’il reste une personne qui se souvient d’eux et prononce leurs noms.

S’agissant d’Ahmadou Kourouma, certes ‘’Allah n’est pas obligé’’, mais il y a toujours quelqu’un, un lecteur, pour faire résonner son nom.

Il y a toujours des amis, des proches pour lui rendre hommage, en témoigne cette exposition organisée et portée par le professeur Yacouba Konaté », a témoigné Sophie Kourouma.

Soumaïla Kamagaté, artiste plasticien participant à l'exposition, a créé deux fresques saisissantes inspirées d'extraits de ‘’Les Soleils des indépendances''.

Ses toiles offrent une métaphore visuelle poignante qui symbolise à la fois la beauté, la fragilité, mais aussi la résilience et la force face à l'adversité vécue par le personnage de Salimata.

Le jeune peintre n'hésite pas à aborder des thèmes délicats tels que les traditions et leurs conséquences, notamment la question douloureuse des mutilations génitales féminines, révélant un engagement artistique profond et une volonté affirmée de susciter une réflexion vitale.

De son côté, Cecko Nihckasson Diabaté, plasticien et neveu de l’écrivain par sa grand-mère Matogoma Makanaté Kourouma, a conçu une œuvre picturale singulière inspirée des pages 98 et 99 du roman ‘’Allah n’est pas obligé’’.

Sa démarche artistique, explique-t-il, a consisté à intégrer l'image et l'écriture pour mettre en lumière simultanément le décor et les personnages, en explorant leurs dimensions psychologiques complexes.

Le maître ivoirien Jems Robert Koko Bi, spécialement venu d’Allemagne où il réside, a présenté une toile déjà réalisée en hommage à l’écrivain Kourouma. 

Il a salué l’audace et l'engagement des jeunes plasticiens qui se sont appropriés la figure de Kourouma comme source d'inspiration. « Je salue leur volonté de s’engager à illustrer un personnage tel que Kourouma. 

C’est déjà un mérite », s’est réjoui le sculpteur reconnu notamment pour son imposante tête de Nelson Mandela, une œuvre monumentale composée de vingt-sept mille morceaux de bois empilés et intitulée "MANDELA 27000 pieces of Life’s history", exposée à Essen en 2010.

Wéré-Wéré Liking, peintre et écrivaine elle-même, n’a pas caché son admiration et l'affection profonde qu'elle portait à Ahmadou Kourouma, au-delà de son immense talent littéraire. « Pour moi, en plus, j'ai connu Kourouma pendant ma jeunesse.

Il était au Cameroun, dans une sorte d’organisation pour les droits de l'homme. On se fréquentait. Je commençais ma carrière de peintre et il venait voir mes toiles et ensuite mes expositions. Vraiment, je ne savais pas qu'il était écrivain. Il était d’une très grande simplicité.

C’est arrivé en Côte d’Ivoire que je le découvre comme écrivain. On a eu vraiment de bons moments, de bons échanges. C'est très inspirant. Sa littérature est inénarrable. Je garde le souvenir d'une personne très attachante qui trouve toujours le moyen de vous emporter avec son imaginaire », s’est souvenue la Fondatrice du Village Kiyi.

Abidjan Art Week propose une programmation riche et variée au sein de chaque galerie participante. Deux parcours artistiques seront offerts aux amateurs d’art.

Le samedi 26 avril, les passionnés pourront visiter la Fondation Donwahi, la Galerie Houkami Guyzagn, la Galerie Cécile Fakhoury, la Galerie Studer, la LouiSimone Guirandou Gallery, la Galerie Labaraque Abidjan et la Fondation BJKD.

Le dimanche 27 avril, ce sera au tour de la Galerie Amani, la Galerie Eureka, WALLS House of Art, la Galerie Samkonian et le MUCAT d’ouvrir leurs portes aux visiteurs avides de découvertes artistiques.

 

 

Patrick KROU