Jean-Louis Koula Cinéaste « Pour rayonner, le cinéma ivoirien a besoin d’une volonté politique »

Jean-Louis Koula Cinéaste « Pour rayonner, le cinéma ivoirien a besoin d’une volonté politique »

09/05/2023 - 08:08
Jean-Louis Koula Cinéaste « Pour rayonner, le cinéma ivoirien a besoin d’une volonté politique »

Le cinéaste Jean-Louis Koula est l’une des grandes figures du cinéma ivoirien. Installé aux Etats-Unis d’Amérique depuis 2011, Jean-Louis Koula porte un regard critique sur le cinéma ivoirien.

 Cela fait 43 ans que vous n’avez plus réalisé un film d’une grande envergure…

Jean-Louis Koula : Cela est lié à mon expérience sur la réalisation de mon premier film « Adjatio ». J’ai fait ce film avec presque pas de moyens financiers et cela a affecté la qualité du film. Il m’est arrivé de biffer certaines séquences par manque de moyens. Depuis, je me suis résolu à ne plus jamais m’engager dans un projet sans au préalable réunir tous les moyens nécessaires.

Il y a quelques années, vous portiez un projet cinématographique original basé sur le roman « Les frasques d’Ebinto ». Où en est-on?

J.L.K : Je n’ai pas abandonné le projet. On me l’a enlevé. L’auteur Amadou Koné m’a demandé de lui retourner les droits du roman. Amadou Koné a estimé qu’après deux décennies, la réalisation du film n’avançait pas et il faisait l’objet de beaucoup de sollicitations de producteurs qui voulaient réaliser ce projet.

 Vous bénéficiez pourtant d’un financement de l’Etat ivoirien pour la réalisation du film « Les frasques d’Ebinto » …

J.L.K : Effectivement, le ministère de la culture a participé au financement du film à hauteur de 20% du budget global estimé à 620 millions de Fcfa.

Ce qui n’est pas mal, je remercie les autorités pour ce geste. Ce qui s’est passé après est dû à une mauvaise lecture du contrat par les responsables du ministère de la culture. En effet, pour faire un film, on a besoin d’un plan de financement.

La société américaine qui était partenaire a exigé, au départ, de ne pas sortir l’argent mais de financer la finition du film pour un montant évalué à 75% du devis global. Le ministère de la culture a participé pour 20%.

Cette somme devait financer la régie, l’hébergement, la nourriture, le transport et le salaire des techniciens et comédiens ivoiriens. C’est à l’application des termes de ce contrat que le problème est apparu.

Vous aviez pourtant fait le premier clap du film « Les frasques d’Ebinto » et l’espoir semblait permis…

J.L.K : Oui, effectivement en réalisant le premier clap, nous étions convaincus qu’après nous allions entrer dans la phase de réalisation, jusqu’au jour où on a été confronté au problème financier.

Les 60% restant devait financer le salaire des comédiens, des techniciens, l’hébergement, la nourriture et toutes les dépenses de régie.

A défaut de cela, il était difficile d’entrer dans la phase de réalisation. Les techniciens et comédiens exigeaient une avance sur leur cachet avant toute participation. Autant de conditions qui devront être remplies si d’aventure, nous devons revenir à ce projet. 

Vous avez également un autre projet cinématographique portant sur un film baptisé « La fille au diamant » …

J.L.K : « Les frasques d’Ebinto » est un très bon projet mais force est de reconnaitre qu’il est aujourd’hui derrière moi. Je travaille sur un vieux projet « La fille au diamant » qui est un très vieux projet sur lequel j’ai travaillé avec mon ami et frère, le défunt journaliste Diégou Bailly (paix à son âme).

C’est ce projet qui a engendre le roman « La traversée du guerrier » de Diégou Bailly. Au départ, c’était un long métrage.

Vu mes difficultés à réunir l’argent, Diégou Bailly m’avait demandé d’en faire un roman. Ce film parle des mystiques du pouvoir en Afrique, de la longévité au pouvoir, des coups d’Etat et de la démocratie.

Le projet est très avancé. Il est prévu pour novembre 2024, si Dieu le veut. Il va faire appel aux grands noms du cinéma ivoirien.

Quel regard portez-vous sur le cinéma ivoirien ?

Le cinéma ivoirien est l’un des meilleurs d’Afrique à cause de sa diversité. Il a produit des grands noms tels que Timité Bassory, Desiré Ecaré, Henry Duparc, Gnoan Mballa pour ne citer que les pionniers.

Des jeunes leur ont succédé et ont glané beaucoup de lauriers. Malheureusement, notre cinéma est absent aux grands rendez- vous. Des rencontres cinématographiques telles que le Fespaco.

Cela n’est pas dû à la qualité de nos jeunes réalisateurs mais au manque de financement.

Ce cinéma ivoirien, pour éclore, a besoin d’une ferme volonté politique qui débouchera sur le vote de lois régissant le secteur et la création de structures solides de financement.

Charles Bédé