Dr Pascal à Djadou (à gauche et ses collaboratrices et partenaires)
Dr Pascal à Djadou (à gauche et ses collaboratrices et partenaires)
« Les acteurs doivent se mettre ensemble et parler d’une seule voix » « Le secteur a vraiment besoin de formation " « Les chinois ont pris le secteur de la restauration en Côte-d’Ivoire » Le secteur Tourisme en général et le secteur de la restauration en particulier est en plein essor en Côte-d’Ivoire.
Mais comment fonctionne ce domaine et avec quels acteurs? Quelles sont les réalités auxquelles sont confrontés les acteurs locaux ?
Dans cette interview, Dr Pascal Djadou, ingénieur en management du tourisme et des loisirs, passe le secteur au peigne fin, fait des propositions concrètes, avant de déplorer l’invasion des étrangers dans le secteur
Quel est le business modèle de votre établissement ?
Hannielle Resto s’est positionné sur une niche dans la restauration. Il s’agit de la restauration diététique. Vous savez, quand ont fait un restaurant, on ne prépare pas des plats pour donner des maladies aux clients.
Malheureusement, souvent on n’a pas la bonne notion sur les ingrédients que nous utilisons pour composer les différents mets. Nous avons décidé, non seulement de valoriser les plats typiquement africains (Béninois, Togolais, ivoiriens etc).
Mais nous ajoutons la valeur diététique. Cela veut dire que toute personne portant une pathologie quelconque, peut venir se restaurer à Hannielle Resto sans soucis. Quand un client diabétique arrive, il va se demander s’il peut se restaurer malgré sa pathologie.
Chez Hannielle Resto, nous n’avons pas de complexe. Tout le monde peut venir consommer ici à Hannielle Resto. Car en matière de nutrition, il y a une alimentation que l’être humain normal doit consommer pour éviter de tomber malade. C’est ce que nous respectons.
Que vous soyez diabétique ou autres, vous apprécierez les menus proposés sur nos cartes. Car ils respectent ces normes. Hannielle Resto est suivi et coaché par un nutritionniste diététicien qui chaque jour vient évaluer les plats. En sommes nous sommes un restaurant africain diététique.
Comment vous préparez vous pour recevoir le grand nombres visiteurs qui viendront en Côte-d’Ivoire à la faveur de la coupe d’Afrique des nations de football en janvier- février 2024?
Nous voulons d’abord mettre en valeur notre identité culinaire qui est la restauration ivoirienne et africaine. Nous allons valoriser d’abord ces mets. Ensuite, il faut que le visiteur qui passe par Hannielle Resto, puisse garder en esprit, j’ai mangé par exemple un plat de djoungle (Gombo sec), mais je n’ai pas vu la différence entre le plat mexicain dont j’ai l’habitude.
On aura respecté les normes nutritionnelles. Au niveau du flux des gens qui vont venir, en réalité, je ne suis pas dans un objectif marketing de bourrer mon espace. Non! Je veux des personnes qui vont consommer Hannielle Resto et vont garder en esprit, j’ai mangé dans un restaurant à Abidjan en Côte-d’Ivoire qui respecte les normes diététiques.
Pour cela, nous avons notre marketing à nous. Nous sommes partenaires des organisateurs de la Can, avec le ministère du Tourisme. Déjà nous sommes références en tant que restaurant en Côte d’Ivoire. Nous sommes dans l’agenda des restaurants en Côte d’Ivoire. Je pense qu’au niveau marketing national c’est déjà un bon positionnement. Mais, nous faisons par derrière un autre positionnement à travers notre stratégie.
Quel regard portez-vous sur le secteur du Tourisme en général et de la restauration en Côte d’Ivoire ?
Très belle question. A la fois cela fait rire, à la fois cela fait mal! Parce que dans le secteur du Tourisme en général et en particulier celui de la restauration, il y a beaucoup de manquement. Je prends l’exemple de nos restaurants dit maquis. Si on part du service jusqu’à la cuisine, il y a beaucoup de problèmes. On fait des compositions d’aliments qui ne respectent pas vraiment les normes. Donc le secteur a vraiment besoin de formation. Aujourd’hui, un humain, du matin au soir, a besoin de manger. C’est un secteur économique très dynamique.
Mais on doit encadrer ce secteur. Je pense que la Can doit être l’appât pour nos gouvernants pour pouvoir mettre en place des stratégies de formation afin de mettre tout le monde à niveau. Dans nos écoles de formation de Tourisme et autres, la formation est purement théorique.
Nous recevons à Hannielle Resto, des étudiants des écoles Tourisme. C’est ici que ces étudiants découvrent les batteries de cuisines dans une cuisine moderne. Alors que ces choses devraient être données à l’école et nous accompagnons la formation pratique.
Donc, nous sommes obligés de faire à la fois la formation pratique et la formation théorique. Et souvent, les noms des mets qu’on donne aux étudiants à l’école ne sont pas justes. Mais le Tourisme est un secteur très dynamique en Côte d’Ivoire et le secteur est très vierge.
En parlant d’encadrement du secteur à quoi faites-vous allusion?
La remarque que nous faisons est que l’Etat est d’un côté et les opérateurs de l’autre. Le rôle de l’Etat est d’abord de réguler le secteur. Mais quand l’Etat décide de réguler un secteur, cela veut dire que ce secteur a de la valeur ajoutée, de l’argent. Donc, l’Etat va implémenter de la fiscalité. C’est pour cela que nous remarquons que dans le secteur du Tourisme, il y a beaucoup de taxes. Tous les ministères veulent y prendre quelque chose.
Mais les opérateurs doivent se mettre ensemble et parler d’une seule voix. Avoir une plateforme de discussion pour qu’on puisse avoir une force pour dire à l’Etat, voilà ce que nous voulons. Quoiqu’on dise, l’Etat gagne toujours dans le secteur.
Mais nous les opérateurs devons-nous mettre ensemble pour dire à l’Etat, voilà comment notre secteur fonctionne, voilà comment nous pouvons vous accompagner. L’État a une stratégie qu’il a mis en place. Mais, les opérateurs doivent mettre en pratique cette stratégie. Il doit avoir une alliance.
Il existe des faîtières, le Conseil national du Tourisme (Cnt) qui sont des cadres de concertation. Les juges- vous insuffisants?
Je peux affirmer que cela est insuffisant. Parce que le secteur fonctionne beaucoup avec des personnes qui ont appris le métier sur le tas. C’est cela la vraie problématique. Il n’y a pas beaucoup de spécialistes. Dans le secteur du Tourisme.
Et cela pose problème. Il faudrait qu’on ait l’humilité de dire qu’on n’a pas une expertise pour mettre des formations en place et encadrer les opérateurs avec des formations bien pointues. Par exemple, un opérateur qui sollicite une banque pour agrandir son espace, cela pose problème parce que le banquier ne connait pas comment le secteur fonctionne. Ça veut dire que le secteur est vierge et nous n’avons aucune information sur le secteur. Par contre, dans les banques, il y a des spécialistes de BTP.
Le secteur est bien encadré. Mais dans le Tourisme, on n’a pas encore ces éléments. Mais ce n’est pas tard. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a décidé de faire du Tourisme, son 3eme pôle économique. Mais dans ce cadre, il y a des actions qui doivent suivre. Donc, la formation fait partie des actions clés. Je pense qu’il faut vraiment mettre l’accent sur ces éléments.
Peut-on dire que les acteurs du secteur du Tourisme sont livrés à eux-mêmes du point de vue formation?
Dire cela est trop prétentieux. Je pense qu’il y a l’État, via le ministère et le secteur. Mais c’est insuffisant. Il y a manqué de plateforme de discussion. Le Cnt est mis en place par le ministère. Les opérateurs eux-mêmes doivent avoir leur plateforme de discussion à eux.
Quand vous êtes dans un secteur où il y a plusieurs faîtières, c’est qu’il y a un souci. Normalement, nous devons avoir une seule et unique plateforme, très dynamique pour dire à l’Etat, sous forme de doléances, voici nos difficultés, voici ce qu’on veut faire.
Lorsqu’il y a plusieurs faîtières, l’État utilise celle qui lui est proche et les autres sont écartées. Je ne le dis pas pour dénigrer quelqu’un mais si on réunit nos forces, on peut obtenir beaucoup de choses après de l’État.
Qu’il y a d’autres difficultés dans le fonctionnement de l’écosystème touristique ivoirien?
Nous ne devons pas nous faire de la concurrence inutile. On se voit comme des concurrents. On fait de la concurrence déloyale entre nous-mêmes. Ainsi, les multinationales vont venir s’installer sans problèmes. Donc. En matière de fast food vous voyez ceux qui sont sur le terrain. Alors que nous pouvons faire des fast-food avec nos plats. Mais c’est parce qu’il n’y a pas une parfaite collaboration entre nous.
Que pensez -vous de l’existence de Réseau de la presse touristique et hôtelière de Côte d’Ivoire (Repthoci) sont l’objectif est promouvoir la destination Côte d’Ivoire et les acteurs du secteur ?
C’est une bonne chose. J’encourage véritablement ce réseau et je vous invite à vous recycler énormément sur les points saillants de développement touristique. Vous êtes journaliste. Vous partez à la quête de l’information. Mais, à un moment donné, vous devez vous imprégner des réalités du secteur et faire des formations. Vous pouvez vous-mêmes initier des actions dans le secteur.
Je remercie le Repthoci et repthoci.net pour cette opportunité. Je vous encourage à aller de l’avant. Nous sommes disponibles. Nous faisons partie des rares techniciens et experts dans le domaine du Tourisme. Nous pouvons aussi vous accompagner sur ces questions.
Nous partons dans les universités, les grandes écoles de formation hôtelière ou Touristique et part derrière, si nous-mêmes ne mettons pas quelque chose de façon pratique en place pour voir quelles sont les difficultés dans le secteur, nous allons enseigner que de la théorie. C’est pour cela que nous même, lorsque nous sommes revenus de nos études de l’Europe, nous avons mis en place un cabinet. Au sein du cabinet se trouve un restaurant.
Et nous avons des résidences. Nous sommes dans l’action. Étant opérateurs, je connais les différents problèmes. En gros, on peut toujours apporter un plus, Une note de formation qui peut développer le secteur. Ne baissez pas les bras parce que le métier de journaliste en Côte d’Ivoire n’est pas facile.
Vous êtes également le commissaire général du Salon ivoiriens de la boisson et de l’alimentation saine (Sibal). Qu’est qui est prévu pour 2023?
Organiser le salon c’est bien. Mais pour 2022 et 2023, nous avons décidé de mener des actions terrain. Nous voulons sensibiliser la population à la saine alimentation. Ce n’est pas le salon qui va faire la sensibilisation.
C’est vrai, le salon apporte un plus, mais si on veut se maintenir sur le salon attendre des années pour pouvoir sensibiliser. Sur le terrain, on part dans les écoles, les universités, les entreprises et on apporte la bonne nouvelle de la saine alimentation. Le prochain Sibal aura lieu en 2024.
Quel appel avez-vous à lancer au gouvernement, aux ivoiriens et à vos clients et potentiels clients?
Je serai un peu dure dans mon appel de fin. J’allais plutôt aux ivoiriens de s’aimer eux-mêmes. Quand un ivoirien créer un restaurant, c’est rare de trouver des ivoiriens là-bas en train de manger. Mais suivez un peu mon regard. Aujourd’hui, les asiatiques, je veux dire les chinois ont pris pratiquement la restauration en Côte-d’Ivoire.
Ils sont en train de s’implanter un peu partout. Mais la Côte d’Ivoire va perdre beaucoup d’argent parce que les chinois important tout. Ils n’utilisent rien de chez nous pour développer l’économie. Or, aujourd’hui dans le domaine du Tourisme, on nous demande le tourisme solidaire.
C’est-à-dire, faire en sorte que la population locale puisse bénéficier des fruits du Tourisme. Mais si tout doit être importé, que vont devenir nos mamans, nos sœurs qui cultivent la tomate, l’aubergine ?
Comment sont-elles écouler leurs produits. Comment ces aubergines vont se retrouver dans l’assiette du consommateur?
Ça sera impossible ! Donc, on va tuer le secteur et ce ne sera pas intéressant. Je demande donc que dans un premier temps que les ivoiriens puissent aimer leur propre Tourisme et le développer. Le Tourisme véritablement intérieur. Mais il y a beaucoup de choses à régler. Dans le transport aérien, les vols coûtent excessivement chers.
Mais si on avait des vols low cost au niveau intérieur et faire en sorte qu’on puisse partir à Gagnoa, à Korhogo à 30.000 Fcfa, vous allez voir que des gens vont vivre à Korhogo et venir travailler à Abidjan sans soucis.
Mais actuellement, pour aller à Korhogo, le coût du billet est pareil que celui pour aller à Dakar ou Ouagadougou. Donc, l’Ivoirien préfère aller à Dakar que visiter la ville de Man.
Donc c’est à nous de mettre des stratégies en place pour développer le Tourisme Intérieur. Je sais que le ministre actuel fait beaucoup d’efforts dans ce sens. Mais, ceux qui sont autour doivent accompagner ses initiatives.
Interview réalisée par SERGE AMANY