Loulou Véro, chorégraphe internationale : « Ma pièce ‘’Voix d’elle’’ est le résumé de l’histoire des femmes victimes de Vbg » « La danse contemporaine est un patchwork de toutes les danses du monde »
Loulou Véro, chorégraphe internationale : « Ma pièce ‘’Voix d’elle’’ est le résumé de l’histoire des femmes victimes de Vbg » « La danse contemporaine est un patchwork de toutes les danses du monde »
Loulou Véro, née Véronique Lou Djéhinan, est une danseuse ivoirienne installée au Niger. La danse contemporaine dont elle est une adepte et une pratiquante lui a valu d’être programmée à l’édition 13 du Marché des Arts du Spectacle africain d’Abidjan (Masa).
Dans les coulisses de ce marché, nous l’avons rencontrée après sa première prestation à la salle Kodjo Ebouclé du Palais de la Culture de Treichville à Abidjan, pour parler de ses différents pas dans cet art qui lui valent aujourd’hui de la respectabilité
En regardant dans ton rétroviseur, peux-tu nous dire qui est Loulou Véro et d’où vient-elle pour en arriver aujourd’hui à cette étape de la danse ?
Lou Djéhinan Véronique est une danseuse chorégraphe interprète ivoirienne résidant au Niger. Qui a débuté la danse dans son pays, la Côte d’Ivoire en 2007, à travers l’émission Variétoscope avec la troupe Akouélobi de Bingerville dirigée par le chorégraphe Jacky Goli. Après cet épisode, j’entre dans le groupe ‘’Génitaux de Bayota’’ en 2008.
De 2011 à 2012, elle intègre ‘’Anéka’’, une compagnie de danse patrimoniale. Mon ambition me conduit à suivre un apprentissage en danse contemporaine avec Jenny Mézile, chorégraphe française d’origine haïtienne.
Plusieurs formations suivant ce chapitre, me permettent de jouer à Africa 20-20 à Paris, la pièce ‘’Hidjay’’ en 2021 que j’ai conçue en duo avec Omar Be Boy, bâtie autour de la collaboration Côte d’Ivoire-Niger. Une pièce enregistrée au catalogue de l’Institut français du monde.
Parlez de vos débuts dans la danse à aujourd’hui ?
Après mon début dans la danse contemporaine en 2012 avec la chorégraphe Jenny Mézile, j’ai voulu sortir un peu de mon pays pour voir ce qu’il se passe à l’extérieur et y apprendre d’autres choses en vue d’accrocher plusieurs cordes à mon arc artistique.
C’est ce qui m’a emmenée au Niger, d’où avec le temps j’ai commencé d’abord à m’intégrer dans ce pays et ensuite à travailler avec des chorégraphes de plusieurs compagnies locales de danse.
Ce qui m’a permis d’apprendre la culture riche et variée de ce pays que je considère mien. Ce cycle a fourni de nouvelles adaptations à mon style de danse. Chemin faisant, des organismes bienfaiteurs m’ont envoyée à l’Ecole des Sables de Dakar (Sénégal) pour me perfectionner et avoir un bon calibrage. Je suis de la deuxième promotion de cette école de renommée internationale de 2018 à 2021.
Cette escale a été pour moi la plus belle expérience à ce jour. Puisqu’elle m’a apportée de nouvelles connaissances indispensables à mon développement personnel et professionnel. Grâce à cette étape,
j’ai pu écrire plusieurs pièces, ponctuées d’un solo dénommé : « La voix d’elle », qui a mené mes pas à la présente 13ème édition du Marché des Arts africains d’Abidjan (Masa).
Combien de pièces figurent à votre catalogue ?
J’ai achevé deux pièces professionnellement parlant, les autres étant en réfection continue, au gré de la configuration de la société. Il y a par exemple ‘’Hidjay’’, qui signifie mariage dans une langue du Niger.
Je l’ai exécutée en duo avec Omar Be Boy, un collègue nigérien. Cette pièce trace l’univers de la danse Hip hop avec en toile de fond un sujet très pertinent, le mariage au Niger.
Plusieurs confrontations, notamment des divorces et palabres en longueur, ajoutées à des moments heureux peuplent cette pièce. Nous imprimons à ces scenarii de très belles gestuelles pour magnifier l’expression amour, douleur, inimitié et sensualité, découlant selon les schémas du mariage.
La pièce ‘’Voix d’elle’’ qui est mon actualité et mon solo, est un peu le résumé de mon histoire et de celle des autres femmes victimes de Violences basées sur le genre (Vbg).
Quelle est votre actualité dans ce pays sahélien ?
Je suis dans mon pays d’adoption, le Niger, depuis 2014 et c’est une belle expérience pour moi. En ce sens, qu’avant la crise actuelle qui s’est invitée dans ce pays sahélien, j’ai été accueillie et prise à bras ouverts par mes sœurs et frères de la danse, voire par la société nigérienne.
Ce qui m’a emmenée à facilement m’intégrer là-bas. J’ai eu d’énormes soutiens de la part des danseurs de ce pays, qui m’ont servie de guides, non pas à l’aveuglette, mais en tant qu’éclaireurs actifs de mon devenir.
Ces bons pas qu’ils m’ont permis de faire, me donnent à ce jour une belle orientation dans l’art danse contemporaine. Je les remercie du fond du cœur pour cette amabilité digne de la fraternité vraie. Aujourd’hui, la situation que vit le Niger ne nous permet plus certaines aides et cela ralentit l’épanouissement des artistes, qui sont le socle de sécurité en matière de culture d’un pays. J’ose espérer que la suite sera meilleure pour tous ses habitants et pour les arts en général.
Vous venez de jouer la pièce phare de votre catalogue « Voix d’elle », non seulement appréciée par les spectateurs, mais également applaudie par des professionnels de la danse. D’où avez-vous tiré cette inspiration et comment avez-vous travaillé sur ce sujet ?
C’est avec émotion que j’ai appris que j’avais été sélectionnée pour jouer en ‘’In’’ (officiel) au Masa. J’étais très contente de présenter cette pièce en exclusivité mondiale, surtout dans ce marché très renommé des arts, où se côtoient créateurs acheteurs et promoteurs qu’est le Masa. L’inspiration pour l’écriture et l’accomplissement de cette pièce m’est venue par le canal d’un choc culturel que je qualifierai de sociétal.
En effet, malgré les multiples réunions, conférences, colloques, symposiums et autres textes juridiques pour donner une place honorable à la femme, de multiples blocages entravent cette volonté.
Au nombre de ceux-ci, partout dans le monde, que ce soit dans les pays dits développés, en voie de développement ou pauvres, le problème des Vbg a encore cours. Je dirai même qu’il est récurrent et à la mode. Tout simplement parce que les hommes veulent affirmer leur suprématie, qu’ils croient que nous les femmes, leur volons.
Cette pièce est pour moi, une brique destinée à bâtir l’édifice de la lutte pour la suppression de la violence menée à longueur de journées contre la gent féminine. Qui ne demande qu’à être une compagne respectable de l’homme, pour une complémentarité vraie et résiliente. C’est l’expression d’un cœur meurtri qui crie justice et réparation, qui se reflète dans ma pièce.
Je vous confierai qu’avant l’écriture de Voix d’elle, j’ai discuté avec plusieurs associations de femmes dans cette situation et aussi des femmes esseulées victimes de cette pratique inhumaine, dans les pays comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Niger. Le condensé de leurs témoignages ajoutés à ma petite expérience m’ont permis d’accoucher ce bébé admiré par de nombreuses personnes et associations militant pour les droits de la femme. Ce qui pour moi est un énorme pas dans l’évolution des mentalités.
Avec la percée de la danse contemporaine, quel avenir ont selon vous les danses traditionnelles africaines ?
Pour moi, toute danse est création. La danse contemporaine en elle-même est un patchwork de toutes les danses existant dans le monde. C’est en fait une évolution associative de toutes les danses.
Ce développement fulgurant n’entrave en rien l’avenir des danses africaines. En effet, ces danses dites primitives se pratiquent encore, ont un public et affichent les arts et culture de leur pays respectif. D’ailleurs, elles sont des engrais dans lesquels le danseur contemporain puise ses inspirations pour enrichir ses pièces. Il n’y a selon moi pas de péril en la demeure.
D’ailleurs, la Côte d’Ivoire a des danses, tels le Boloye et le Zaouli inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce qui de mon point de vue signifie que les danses dites traditionnelles sont résilientes et vont toujours exister.
Mais pour qu’elles puissent exister, il faut des danseurs. Ce qui signifie que les gouvernants doivent leur accorder des subventions nécessaires à leur pratique. Ce qui serait leur plus grande participation à la sauvegarde culturelle. Vous constaterez que dans mes pièces, il y a beaucoup de figures de danses traditionnelles de chez moi.
A ce jour, la ballerine et la danse classique, toutes deux d’origine européenne sont toujours pratiquées. Ce qui signifie que toute danse se promène dans l’espace en continu.
Propos recueillis par O. Clément.