Professeur Lazare Poamé (Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique) présente les avantages de l’Intelligence Artificielle et des biotechnologies pour l’Afrique

Professeur Lazare Poamé (Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique) présente les avantages de l’Intelligence Artificielle et des biotechnologies pour l’Afrique

27/09/2023 - 10:48
Professeur Lazare Poamé (Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique)  présente les avantages de l’Intelligence Artificielle et des biotechnologies pour l’Afrique
Professeur Lazare Poamé (Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique) présente les avantages de l’Intelligence Artificielle et des biotechnologies pour l’Afrique

Le Professeur Lazare Poamé, Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique, a donné, le jeudi 21 septembre 2023 à Abidjan, une conférence sur les enjeux de l’éthique de l’intelligence artificielle (IA) et des biotechnologies dans le cadre des activités de la Fondation Friedrich Naumann.

Cette conférence fait suite à l’Atelier qu’il a animé, à l’intention des jeunes chercheurs réunis au siège de ladite Fondation, sur les biotechnologies et l’éthique du chercheur et de l’inventeur. 

Dans ses propos liminaires, le conférencier a affirmé ce qui suit :

« Les interrogations sur les enjeux de l’éthique de l’IA et des biotechnologies pour l’Afrique font souvent l’impasse sur la question de l’intellection de ce qui se joue sur le continent avec la dynamique universalisatrice des technologies convergentes connues sous l’acronyme NBIC qui prend la place des NTIC ».

Définitions de l’IA et des biotechnologies. 

Il s’est attelé, ensuite, à définir les deux termes clés de sa thématique, à savoir l’IA et les biotechnologies. 

Voici la définition qu’il donne de l’IA, issue de la Recommandation de l’UNESCO sur l’éthique de l’IA : « l’IA désigne un ensemble de « systèmes capables de traiter les données et l’information par un processus s’apparentant à un comportement intelligent et comportant généralement des fonctions de raisonnement, d’apprentissage, de perception, d’anticipation, de planification ou de contrôle ».

Cette définition, selon le Professeur Lazare Poamé, a l’avantage de rapprocher les deux grandes formes d’IA que sont l’IA classique ou faible (weak Artificial Intelligence / narrow Artificial Intelligence) et l’IA forte (strong Artificial Intelligence).

Quant aux biotechnologies, auxquelles il ajoute les OGM, la définition qu’il propose est celle du chercheur L-M. Houdebine :   elles désignent « …l’ensemble des applications de la biologie moléculaire des gènes et des protéines, bien qu’il soit possible d’inclure également dans cette notion des techniques qui ne relèvent pas directement du génie génétique (par exemple la fermentation) ».

Domaines d’application de l’IA et des biotechnologies

Après avoir défini ces deux concepts, le Professeur Lazare Poamé a procédé à une énumération argumentée des différents domaines d’application de l’IA et des biotechnologies, à savoir l’agriculture, le commerce, la communication, l’éducation, la recherche et la santé.

Selon le conférencier, dans l’agriculture, par exemple, « les systèmes d’IA contribuent efficacement à diagnostiquer certaines maladies des cultures et détecter les parasites des plantes.

Les biotechnologies permettent de fertiliser les sols, dépolluer les eaux et les sols et d’améliorer également la conservation des fruits et légumes ». Au niveau du commerce, l’IA  permet le développement de l’e-commerce, l’amélioration de la publicité et la vivification des mécanismes de livraison des produits.

Dans le domaine de la communication, l’IA, selon le Professeur Poamé, contribue « à jauger les connaissances des apprenants à partir des plateformes d’apprentissage adaptatives, à répondre inlassablement à certaines préoccupations pédagogiques à travers les robots conversationnels (FLO/Allo prof et ALI/ Optania), à vulgariser les méthodes et critères d’évaluation et à répéter à souhait certains cours ».

Dans le domaine de la recherche, les performances de l’IA se joue, entres autres, au niveau de la collecte, la reliance et l’analyse des mégadonnées ainsi que la production de Thèses de grande qualité par une exploitation intelligente de Chat GPT.

Quant à la recherche en biotechnologie, elle permet aujourd’hui, toujours selon le Professeur Lazare Poamé, de fabriquer des hormones de croissance avec des levures génétiquement modifiées, rompant ainsi avec la méthode classique.

Parlant du domaine de la santé, il a affirmé que l’agent virtuel de l’IA, « en plus des contributions à l’identification des pathologies via l’imagerie médicale, peut accomplir certaines tâches routinières et rationnelles, en l’occurrence l’accueil des patients via un chatbot, l’examen des signes vitaux des patients et la sélection des meilleurs scanners. Les biotechnologies permettent de pratiquer la thérapie génique et de développer la biopharmacie ».

Ces domaines d’application tels que présentés, portaient déjà les germes des avantages de l’IA et des biotechnologies pour l’Afrique, a signalé le Conférencier.

Avantages de l’IA et des biotechnologies pour l’Afrique

Pour être plus explicite, il a identifié quatre avantages : le premier avantage, considéré comme étant le moins scientifiquement examiné jusque-là, « est l’expansion planétarisée du logos autochtone, entendez ici la parole techniquement libérée de l’Africain de plus en plus conscient de son rôle de porteur d’un logos sans limitation spatio-temporelle ».

Le deuxième avantage est paradoxalement lié à la complexité de l’IA qui a valu à l’Afrique, à travers ses experts, d’être associée par l’UNESCO à « l’entreprise de coconstruction de ce qu’il est convenu d’appeler la Recommandation sur l’éthique de l’IA ». Dans le cadre de la mise en œuvre de cette Recommandation qui est aussi la leur, les Africains peuvent surveiller les usages et mésusages de l’IA et faire valoir « leur sensibilité esthético-axiologique universalisable ».

Le troisième avantage est la série d’opportunités à la fois scientifiques, pédagogiques et socioéconomiques que l’IA et les biotechnologies offrent à l’Afrique.

Pour être encore plus explicite, le Professeur Lazare Poamé poursuit son propos en indiquant que sur le plan scientifique et pédagogique, elles permettent, entre autres, de renforcer la collaboration entre les scientifiques et de consolider « la qualité des savoirs et savoir-faire requis pour le développement auquel aspirent les États Africains les plus ambitieux ».

Il en est de même, par exemple, pour la qualité et la fiabilité du diagnostic de certaines maladies.

Les inquiétudes et les problèmes que suscitent l’IA et les Biotechnologies

Sur le plan socioéconomique, le Conférencier n’a pas manqué de relever les inquiétudes et les problèmes que suscitent l’IA et les Biotechnologies.

Il s’agit des menaces qui pèsent sur le marché du travail, sur les données personnelles et de l’accentuation de l’inégalité socioéconomique. Ces problèmes, rassure le Professeur Poamé, peuvent être surmontés « si l’Afrique s’engage résolument dans la voie salutaire qui est celle de la maîtrise technique et socioculturelle de ces technologies ».

Il rebondit sur les biotechnologies avec les OGM en précisant qu’ils permettront de résoudre les problèmes induits par la démographie galopante en Afrique avec l’accroissement de la productivité agricole. 

Il importe de retenir, selon lui, que « l’IA et les biotechnologies sont enclines à développer une alliance industrielle et industrieuse au sens saint-simonien du terme. Qui plus est, elles s’adaptent aux petites et moyennes entreprises dont l’implantation est relativement aisée en Afrique ».

Enjeux éthiques et philosophiques de l’IA

Sur les enjeux éthiques et philosophiques de l’IA,  le Professeur Lazare Poamé affirme qu’ils sont foncièrement imbriqués et cela, en raison des liens à la fois historiques et épistémiques qui fondent leur relation.

Ainsi, à la suite des réflexions des philosophes éthiciens Jürgen Habermas et Hans Jonas sur la nature humaine et la responsabilité intergénérationnelle qu’appelle le phénomène technique, l’IA suscite des interrogations philosophiques majeures telles que la nature de l’intelligence et la connaissance, la nature de la conscience humaine. 

Plus encore, des courants éthico-philosophiques tels que l’utilitarisme/ conséquentialisme, le déontologisme, le personnalisme et le féminisme et l’éthique de la vertu qui avaient animé les débats bioéthiciens du 20è siècle connaissent une nouvelle fortune selon ses propres termes.  

Valeurs et principes qui doivent structurer le développement de l’IA selon l’UNESCO

Il en arrive enfin à la question des valeurs et principes qui doivent structurer le développement de l’IA selon l’UNESCO. Ils sont ainsi énumérés :

« Respect, protection et promotion des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité humaine /Environnement et écosystèmes qui prospèrent/ Diversité et inclusion assurées/ Sociétés pacifiques, justes et interdépendantes / Principes de proportionnalité et d’innocuité / Sûreté et sécurité /Équité et non-discrimination / Durabilité / Droit au respect de la vie privée et protection des données / Surveillance et décision humaines / Transparence et explicabilité / Responsabilité et redevabilité / Sensibilisation et éducation / Gouvernance et collaboration multipartites et adaptatives ».

En guise de conclusion, le Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique a encouragé les initiatives visant à améliorer l’existant et à déterminer les exigences qui conditionnent les effets bénéfiques de l’IA et des biotechnologies en Afrique.

Il s’agit, en substance, de la démocratisation de la connaissance de l’IA, des biotechnologies et  de l’éthique des technologies par des formations adéquates ; ce à quoi il convient d’ajouter l’implémentation en Afrique, toujours par des formations appropriées, des valeurs inspirées de la bioéthique et de la Recommandation de l’UNESCO sur l’IA.