Présidentielle 2025 / Réflexions sur les conséquences de la rébellion de 2002: Serge Bilé appelle à un nouveau départ pour la nation ivoirienne
Présidentielle 2025 / Réflexions sur les conséquences de la rébellion de 2002: Serge Bilé appelle à un nouveau départ pour la nation ivoirienne

À sept mois de l’élection présidentielle en Côte d'Ivoire, la question qui obsède profondément l’esprit du journaliste ivoirien Serge Bilé est la suivante : à quoi a servi la rébellion de 2002 ? Un événement tragique, une fracture béante dans la société ivoirienne, mais qui semble avoir laissé des cicatrices plus profondes qu'on aurait pu l’imaginer.
Vingt-trois ans après ce carnage, se plaint-il sur les réseaux sociaux, les mêmes discours d'exclusion, les mêmes haines recuites, les mêmes mensonges éhontés et les mêmes invectives xénophobes se font entendre entre Ivoiriens.
« Ce constat amer soulève une question fondamentale : pourquoi revivons-nous encore les erreurs du passé sans en tirer de leçons ? », se questionne-t-il à nouveau.
Pour lui, la rébellion de 2002, qui a plongé la Côte d'Ivoire dans une guerre civile dévastatrice, ne semble avoir eu que peu d’impact sur les fondements des relations sociales et politiques du pays.
Le spectre de cette guerre, poursuit-il, qui a déchiré la nation, revient à chaque échéance électorale, ravivant les rancœurs et les divisions au lieu de favoriser l’unité.
« Un peuple sans mémoire est un peuple qui se ment à lui-même. Un peuple de revanchards, qui justifie constamment le présent par un passé qui n’a cessé de créer des fractures », se moque-t-il.
Puis, il ajoute : « Il est en effet surprenant de constater à quel point les politiciens ivoiriens, souvent perçus comme des hommes d’État visionnaires, se retrouvent à l’image du peuple : divisés, rancuniers, et enfermés dans une guerre des clans qui dure depuis plus de 30 ans. »
Serge Bilé rappelle la longue série de conflits politiques qui ont éclaté après la mort du président Félix Houphouët-Boigny en 1993. Le rôle d’Henri Konan Bédié, qui accusa Alassane Ouattara de manœuvrer pour l’empêcher de succéder à Houphouët-Boigny, puis l’isolement politique de Ouattara sous le régime de Laurent Gbagbo, en sont des exemples flagrants. Ces rivalités, accuse-t-il, ont forgé un climat de méfiance qui, aujourd'hui encore, empoisonne les relations politiques.
Pourtant, précise Serge Bilé, derrière ces rivalités et ces querelles de pouvoir, il y a un peuple qui souffre. Un peuple dont la grande majorité, celle des jeunes, n’était même pas née lorsque la guerre des trois (Bédié, Ouattara, Gbagbo) a éclaté.
« Aujourd'hui, ces jeunes sont confrontés à un héritage lourd et perturbant, avec des enjeux politiques qui ne semblent guère les concerner. Ils aspirent à un avenir plus serein, loin des haines du passé. Mais malheureusement, leur futur semble toujours coincé entre les ombres des querelles d’antan », prédit le journaliste et écrivain ivoirien.
Dans un pays où le mot « pardon » se prête à toutes les lèvres, Serge Bilé appelle à un nécessaire reset. « L’heure est venue de remettre les compteurs à zéro », éructe-t-il. Il est crucial, selon lui, que la Côte d'Ivoire trouve le moyen de prendre un nouveau départ.
Un départ qui passe par une réconciliation sincère, mais aussi par « un travail profond sur les mémoires collectives, pour éviter de revivre inlassablement les mêmes erreurs. Un départ qui ne soit pas dicté par l’appétit du pouvoir, mais par une volonté partagée de construire un avenir commun, ensemble, avec les uns et les autres ».
C’est là tout le défi que la Côte d'Ivoire devra relever dans les mois à venir. Car, comme le dit Serge Bilé : « Nous sommes condamnés à vivre ou mourir ensemble.
Si le peuple ivoirien, ses dirigeants et ses citoyens n’acceptent pas de se réconcilier, de dépasser les rancœurs et de regarder vers l’avenir, alors ce pays, qui a connu tant de souffrances, risquerait de sombrer encore plus dans la division et la violence. Le temps du pardon est venu, et il est désormais plus que jamais crucial pour l’avenir de la nation. »
Patrick KROU