Tatiana Gnansounou, comédienne, metteuse en scène béninoise : « L'objectif du conte est de retourner aux racines »
Tatiana Gnansounou, comédienne, metteuse en scène béninoise : « L'objectif du conte est de retourner aux racines »
Invitée spéciale à la 4e édition du Festival international nomade de l’Acteur solo, qui s’est déroulé du 6 au 9 décembre 2024, à Taabo, une commune de Côte d’Ivoire, Tatiana Gnansounou, comédienne, conteuse, marionnettiste et metteuse en scène béninoise, a animé des ateliers et participé à des spectacles. Elle s’est prêtée à nos questions sur les sujets émanant du festival et de ses travaux d’artiste.
Comment vous êtes-vous retrouvée en Côte d’Ivoire à l’occasion de la 4e édition du Festival international nomade de l’Acteur solo ?
J’ai été approchée par un ami au Bénin, qui m'ayant parlé de ce festival, m'a mis en contact avec l’initiateur et promoteur de ce festival, qui n’est autre que Momo Ekissi.
Après qu’il ait visionné mes travaux, il les a trouvés intéressants et m’a dit de participer à cette édition en qualité d’invitée spéciale.
Quel rôle vous a-t-il confié dans ce festival ?
Je suis là pour montrer aux élèves et autres participants mon savoir-faire en conte et dans des disciplines dans lesquelles je fais mon petit bout de chemin. C’est ce qui m’a permis d’animer des ateliers de conte, de lecture et de marionnette.
Selon vous, quel intérêt représente pour les auditeurs chacun des compartiments que vous avez cités ?
Déjà, pour le chapitre lecture, alors que je délivrai le contenu des travaux du premier jour aux enfants venus participer à l’atelier, ils ont improvisé une séance de lecture.
C’était normal, puisqu’on était rassemblé pour les travaux au Centre de lecture et d’animation culturelle (Clac). Alors que je leur ai demandé de me conter une histoire, ils ont préféré se référer à un livre.
Et j’ai trouvé intéressant qu'ils sachent qu'il y a déjà des choses à lire, dans lesquelles figurent des contes, des histoires et plein d’autres choses qu'ils peuvent trouver dans des livres et prendre connaissance d’elles. Je suis heureuse qu’ils militent pour la bibliothèque du centre.
A la fin de la lecture, nous sommes passés au conte et je leur ai demandé quelles leçons ils ont pu à retenir. Après leur avis, j’ai conclu que le conte continue de jouer son rôle d'éducation qu'il jouait à la base, c’est-à-dire à l’époque de nos parents et grands-parents.
Il est toujours important de tirer des leçons d'histoire à travers le conte. Et c'est ce qui s'est passé avec les enfants.
Depuis que vous donnez les contes dans de nombreuses contrées, quels bienfaits procurent-ils aux enfants concernant leur avenir ?
Les contes sont des moments flexibles, des moments non rigides, où les enfants peuvent faire confiance facilement.
Quand on leur dit des contes, ce ne sont pas des moments où on leur fait des reproches, disant ne faîtes pas ceci, ni cela, où qu’on doit leur taper dessus.
Ce sont des instants pendant lesquels on leur parle d'histoires banales et c'est à eux-mêmes de tirer des leçons, notamment celles de savoir que désormais, voilà ce qui est bon ou interdit.
J'ai déjà entendu dans une histoire qu'on fait ceci ou on ne fait pas ça. Ou que la personne qui l'avait fait, a subi telle ou telle conséquence.
Quel est pour vous l’objectif du conte ?
L'objectif du conte est de retourner aux racines ou de les perpétuer. C’est aussi de rappeler les us et coutumes et l’histoire du vécu de nos peuples. Et aussi de pouvoir s’appuyer sur lui pour éparpiller nos arts et culture vers d'autres horizons.
Durant votre séjour avec les enfants, comment les avez-vous trouvés ? Ont-ils l'esprit curieux ou créatif ?
Les enfants étaient très actifs. Il y a toujours dans un lot des gens qui n'ont pas envie de parler, des gens qui ne sont pas habitués à ça. Mais en général, ils ont été très actifs. Une petite fille parmi eux, m'a épatée le plus. Quand tout le monde donnait des réponses et que c'était son tour de le faire, elle a été volontaire et a tiré une leçon géniale.
Depuis que vous vous êtes mise dans ce partage d'expériences et de savoirs, combien de festivals ou de pays avez-vous parcouru pour distiller votre savoir artistique aux autres ?
Je peux dire qu'officiellement, je suis au troisième pays. Je parcours la plupart du temps le Bénin qui est mon pays, où je suis beaucoup sollicitée. Le Togo m’a accueillie pour le festival ‘’Les saisons contées’’. Et maintenant je suis ici en Côte d’Ivoire sur sollicitation du comité d’organisation de ce festival.
Que représente le conte au Bénin ?
Au Bénin, le conte est très important. Même dans les situations de tous les jours, on dit qu'il y a ma grand-mère qui m'a raconté telle histoire. Il y a mon grand-père qui m'a raconté telle histoire.
Et sans le savoir, on tire toujours des leçons des histoires qu'on nous a racontées. Et quand on va s'asseoir pour écouter, c'est beaucoup plus formel.
On peut dire que je vais à un spectacle de conte, ou qu’il y a quelqu'un qui veut faire du conte que je vais écouter. Mais c'est sans savoir que dans la vie de tous les jours, le conte existe.
L’art de la marionnette, est-il pour vous à caractère ludique ou est-ce pour traduire un message par exemple ?
Les marionnettes servent généralement à stimuler l'intelligence auprès des enfants. C’est ma part de contribution à leur intelligence et développement.
Quand il y a les marionnettes, non seulement ça attire les grandes personnes, mais ça attire beaucoup plus les enfants.
La marionnette que j'ai amenée avec moi à ce festival est juste dansante. Je ne m'en sers pas pour parler, mais pour lui permettre de bouger. Les enfants voient en elle de prime abord une figurine, qui fait des gestes comme un être humain en général.
Et qui fait des gestes que l'être humain ne peut pas faire. Quand on veut faire passer un message, surtout auprès des enfants, et qu'on utilise la marionnette, non seulement ces spectateurs s'attachent au côté ludique, mais ils restent aussi beaucoup plus attentifs sur ce qui se passe devant eux.
Ce qui leur permet d'écouter le message aussi. Il y a les grands aussi qui restent scotchés au spectacle pour le côté ludique généralement, mais qui écoutent aussi. Généralement des marionnettes sont utilisées pour faire des contes.
Vous lancez-vous aussi dans cet exercice ?
Oui, bien sûr !
Dans vos spectacles de conte vous additionnez à la partie orale, la marionnette, la castagnette aussi. Sont-ce des agréments pour pouvoir ajouter le caractère musicalité à votre création ?
La castagnette, c'est pour ajouter une musicalité. Concernant la marionnette, il arrive un moment où lui on prête la voix de quelqu’un, en l’occurrence le manipulateur.
Ainsi, de visu, c’est la marionnette qui raconte l'histoire. Les marionnettes représentent les personnages en même temps.
C'est donc à travers eux que l'histoire est contée, avant qu'à la fin on aperçoive le ou les personnage (s) qui a/ont prêté sa/leur voix à la/les marionnette (s).
Il y a beaucoup de techniques dans cet art, notamment des personnes à la voix aigüe, moyenne ou sourde, ou simplement déformée, qui ne ressemble pas à la voix normale de l’emprunteur.
Votre avis sur le festival ?
Je trouve intéressant qu'il y ait un festival pareil, et que ça se fasse surtout dans une zone comme Taabo, très calme, loin du bruit des grandes agglomérations, telle Abidjan ou Cotonou.
L’avantage d’une zone un peu calme, est qu’elle est propice pour les personnes exerçant dans l'art et la culture. Le calme stimule l'attention des enfants et aussi des personnes au dessus de leur âge.
Au vu de ce que vous avez vu, quelles propositions pouvez-vous faire pour améliorer ce festival ?
Tout festival a besoin d’apports constants. Je crois qu'il faut suivre le cours de la vie qui fait remarquer qu’on grandit au fur et à mesure.
Je suis sûre qu'avec le temps, le festival va s'améliorer davantage, grâce à l’apport de choses nouvelles.
Vous verrez que la sensibilisation sur les fléaux va s’élargir d’édition en édition, puisque des besoins nouveaux apparaîtront dans la société.
Il faut amplifier la communication autour du festival, pour lui donner une envergure plus vaste. Ce qui occasionnera une extension de sa notoriété.
Et si l’édition 2025 était programmée au Benin ?
(Rires) Ce sera intéressant !
Propos recueillis par Ouattara Koffi.