Beugré Kouadio, maire de Taabo : « ...Pour le barrage nous demandons plus de ristournes »

Beugré Kouadio, maire de Taabo : « ...Pour le barrage nous demandons plus de ristournes »

14/12/2024 - 16:52
Beugré Kouadio, maire de Taabo : « ...Pour le barrage nous demandons plus de ristournes »
Beugré Kouadio, maire de Taabo : « ...Pour le barrage nous demandons plus de ristournes »

Taabo, commune connue pour abriter un barrage hydroélectrique montre une belle façade dès que le voyageur y entre en provenance de l’autoroute du Nord. Et pourtant, c’est un tout autre visage qui s’affiche à lui, lorsqu’il découvre le village hérité de la construction de l’édifice énergétique. 

Ce paysage digne d’un apartheid en apparence nous a fait rencontrer Beugré Kouadio, le maire, pour nous renseigner sur les réalités de l’endroit.

En l’occurrence la vie des populations, les retombées du complexe hydroélectrique, la cherté du poisson pêché localement et vendu au prix fort, l’électrification de la ville et des villages de la commune. 

Le maire. Présentez-vous à vos lecteurs ?

Je suis Beugré Kouadio, fils et maire de Taabo.

Pouvez-vous faire l'historique de Taabo ? 

La ville de Taabo est héritée de l’ancien village éponyme, qui a été déplacé comme d’autres, afin de permettre la construction du barrage hydroélectrique.

Les autochtones sont de l’ethnie baoulé de la branche Souamlin. Son implantation dans le lieu actuel découle des travaux dérivés du projet ‘’Aménagement de la vallée du Bandama’’ (Avb), du temps de Félix Houphouët-Boigny, premier président de la République de Côte d’Ivoire.

Pour une augmentation du volume d’électricité de notre pays, ce plan d’eau s’est avéré propice à la construction d’un barrage. C’est sous l’égide de l’Énergie électrique de Côte d’Ivoire (Eeci) d’alors, que les travaux ont été effectués.

Cet exercice était certes salvateur pour le pays, mais il a occasionné un déplacement de plusieurs villages, qui dans la foulée ont abandonné dans leur premier lieu leurs plantations et terres pour la cause.

La construction du barrage a vu affluer d’autres peuples. Comment se fait la cohabitation entre tous ces peuples ?

L’affluence d’autres soeurs et frères a été occasionnée comme vous le dîtes par la construction du barrage. En effet, il y avait une forte demande de main-d’œuvre pour mener les travaux.

Donc des gens sont venus d’un peu partout pour améliorer leur condition de vie par le travail. Le peuple souamlin, qui n’est d’ailleurs actuellement pas fortement représenté dans la ville, a accueilli tous les arrivants dans la fraternité.

Quand vous parcourez la ville, vous vous apercevrez que plusieurs groupes ethniques nationaux et sous régionaux sont bel et bien intégrés.

Cela est dû au fait qu’après l’achèvement des travaux du barrage, la plupart des travailleurs et des personnes qui y vivaient grâce à ces différents ressortissants, sont restés pour bénéficier de cette hospitalité.

Certains, notamment les pêcheurs qui mènent leurs activités grâce au plan d’eau. D'autres, pour tirer bénéfice des rentes dudit barrage. Aujourd'hui, ils sont là et nous vivons en bonne intelligence et ça se passe bien. 

A vous entendre la cohabitation va bien ?

Elle se passe très bien. Il n'y a aucun souci, il n'y a pas de problème. Nous vivons ici en parfaite harmonie, en symbiose je veux dire.

Dans quel état d'esprit avez-vous trouvé la commune à votre prise de fonction ?

Quand nous sommes arrivés aux affaires, je peux dire que la mairie était dans un virage, où tout était coincé parce qu'on a trouvé 36 projets non réalisés et reportés depuis 2018 jusqu'à  2023. La cour et les locaux de la mairie affichaient une désuétude criarde. Aujourd'hui, tout visiteur est admiratif de la beauté du lieu.

Donc je peux l’affirmer tout fort, nous avons trouvé une mairie qui était dans un état assez critique. Nous sommes donc en train de faire tous les efforts possibles, afin de pouvoir apporter notre bien à l'édifice commun à toutes les populations.

Il est bien que je vous renseigne sur notre motivation à nous faire élire par les populations. De prime abord, il faudrait que vous sachiez que l'équipe que je dirige a la particularité d’avoir tous ses membres résidents dans cette commune.

Les quatre adjoints au maire, les 22 conseillers municipaux et moi-même, sommes tous filles et fils habitant dans cette commune. En amont, nous avons observé beaucoup de choses qui ne pouvaient pas faire épanouir notre localité.

Nous nous sommes dits en son temps, pourquoi ne devrions nous-mêmes pas prendre notre destin en main, pour donner de la dimension à notre localité ? Donc nous avons mis une idée en place, et après son développement, elle nous a permis de nous faire élire.

Ce, afin d’apporter notre brique à l'amorce du développement de notre commune. Grâce à Dieu nous avons été acceptés et aujourd’hui nous sommes aux commandes de cette cité.

Quelles actions avez-vous menées depuis votre arrivée?

La première chose que nous avions fait, a été de restaurer la cour et les locaux de la mairie, parce qu’il fallait donner un visage luxuriant à ce lieu, avant de nous y installer. Cela, pour mener à bien nos activités.

Nous avons fait appel à nos partenaires qui ont pris le temps de rénover ce bâtiment et de nous donner le matériel et l'équipement adéquats pour une administration respectable. Ensuite, nous nous sommes concentrés sur les villages de la commune qui étaient dépourvus du peu.

Je prends en exemple le cas de N’Dénou, où nous avons eu la chance de tomber sur une structure, venue installer un projet électrique. Donc, toujours avec nos partenaires, nous avons dégagé toutes les voies de ce village, afin de permettre au promoteur de faire son travail aisément. Nous ne sommes pas restés là. Nous avons construit le logement de la sage-femme de ce village. À Kotiessou, nous avons également dégagé toutes les voies. Aujourd'hui, tout le monde peut circuler aisément sur ces tronçons.

Ces travaux ont permis à ces villages de bénéficier de poteaux électriques. Nous avons entrepris de moderniser au mieux nos villages en vue d'insuffler à ces localités un développement harmonieux.

Dans ce sens, nous avons construit un centre commercial à Kotiessou, ainsi qu’à Taabo village, où nous avons dégagé en plus toutes les voies. A Wahou Kouassi, l’école était en souffrance. Nous nous sommes évertués à lui donner du souffle afin de permettre au corps enseignant, d’apporter dans une bonne dynamique une éducation convenable à nos enfants.

Au niveau de la santé, il y avait des projets en souffrance, que nous avons aussi entamés et ça se passe bien. Nous sommes dans la phase de préparation des travaux de construction du logement de l'infirmier de Taabo village.

A Ahondo, un village de notre territoire de compétence, la construction de trois salles de classe d'école s’imposait depuis fort longtemps. Nous y avons entrepris des travaux et ça se passe bien. À Kouamékro, les travaux au niveau de l'école étaient également en souffrance.

Nous les avons tous repris pour donner corps et vie à cet établissement indispensable au savoir de nos enfants qui en ont le droit. Nous avons aussi terminé la maternité de ce lieu.

Au niveau de la ville, il y a un quartier qui porte mon nom (Beugré : ndlr), qui a vu toutes ses voies dégagées.

On y a fait un pont pour relier avec aisance le quartier Soleil à celui qui porte mon nom.  Les années antérieures, le passage était difficile, car, il fallait faire un détour dans le quartier Cité ouvrière avant d’y accéder.

C’était difficile  de rejoindre ce beau quartier résidentiel. Les voies des quartiers  ‘’Derrière la mairie" et ‘’Derrière le cinéma’’, ont été toutes dégagées. Nous avons œuvré à ouvrir le Centre de lecture et d’animation culturelle (Clac).

Nous sommes actuellement en train de construire la clôture de cet établissement. Nous nous évertuons en ce moment à renforcer le potentiel électrique des quartiers Beugré et Station, qui sont victimes d’une baisse de tension.

Nous sommes donc en train de faire installer une ligne de haute tension à l’effet de renforcer la fourniture en électricité de ces endroits. Au niveau du marché, nous sommes en train de faire des talons et des tables qui permettront de connaître le nombre des commerçantes en vu de la numérotation de ces tables.

Nous nous efforçons à maximiser la propreté de la ville aussi à l'effet de la rendre attractive en conformité avec les Objectifs du Développement durable (Odd).

Nous avons misé sur l'entretien de la ville et je pense que pour l'heure, c'est ce que nous avons pu faire sans compter les assistances à caractère social.

Au niveau même de la mairie, nous avons fait les quatre conseils de l'année, depuis la semaine passée (du 1er au 8 décembre 2024 : ndlr).

Dans quel état était les recettes de la mairie à votre arrivée ?

Quand nous arrivions aux affaires, les recettes se chiffraient à près de 17 millions de francs Cfa. Alors que nous n’avons pas encore fini l'année, elles s'élèvent à ce jour à plus de 50 millions de francs Cfa.

Donc, je peux conclure que d'ici le mois de décembre, nous verrons quels chiffres nous allons atteindre. C'est une première pour notre municipalité. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de secteurs qui ne nous ont pas suivis dans notre plan d'action.

Ce qui fait qu'ils n'ont pas vraiment contribué. L'année prochaine, nous allons faire des réformes en profondeur pour que tout le monde contribue.

Si toutes les populations apportent leur contribution, nous pourrons atteindre les 100 millions de francs Cfa de recettes que nous nous sommes fixé comme objectif.

Avec tout ce que vous avez énuméré, quel est votre taux de réussite du programme que vous vous êtes établi ?

Concernant le taux de réussite, je peux dire que nous nous  félicitons de ce qui a été déjà réalisé, parce que nous avons bougé sur toutes les lignes. Cependant, je préfère que la population fasse notre bilan. Pour ma part, je peux dire qu’avec tout ce que nous avons trouvé et ce que je viens de citer, je félicite mon équipe, bien que nous avons beaucoup à faire.

 

Parlons du barrage hydroélectrique qui est l’activité majeure de la région, quels bénéfices tirent les populations de votre cité par rapport à la production électrique qui est ensuite commercialisée ?

 

De bénéfices en tant que tel, je pourrais dire que jusque-là nous bénéficions de la subvention que l'État reverse à la commune, afin de pouvoir mener les activités de développement. C'est ce qui  de manière indirecte est perçu par la population. À ce montant, je peux dire qu'aujourd'hui Taabo a pris de l'envol.

Des quartiers ont été créés, des villages bénéficient de certaines infrastructures. Bref, il y a un changement visible. Cependant, les problèmes de voirie, d'éclairage public, d'adduction d'eau existent et nous avons le devoir de les résoudre.

Ce qui me fait dire que ce montant alloué à la commune par l’Etat est insignifiant pour insuffler davantage son développement. Et donc, véritablement au vu de ce que le barrage rapporte au pays, nous demandons que les ristournes dont nous bénéficions soient revues à la hausse.

Il faut que les fruits du barrage agissent fortement sur la subvention accordée par l’État à la municipalité. C’est ce qui pourra nous permettre d'atteindre nos objectifs en termes de développement.

En effet, la construction du barrage a occasionné le déplacement des populations des villages impactés par le projet. Et Taabo village en fait partie.

Ces populations victimes ont perdu leurs terres et biens. Il y a des villages qui ont même perdu leur cimetière, par la faute des eaux qui les ont engloutis. Ahondo en fait partie.

L’eau a emporté toutes les superficies cultivables de ces braves populations qui n’ont dû leur salut qu’à travers le déplacement.

A propos du barrage, malgré le grand plan d'eau propice à la pêche, le poisson est beaucoup cher à Taabo. Comment expliquez-vous cela?

Le poisson est cher et nous en faisons effectivement le constat. Nous avons hérité malheureusement de ce système. Pour en savoir un peu plus, nous avons interrogé les uns et les autres à l’occasion de plusieurs réunions.

En effet, les pêcheurs sont pour la plupart des Maliens. Ils nous ont donc fait savoir que véritablement tout est cher sur le marché. Les filets, les pirogues sont chers. De plus, ils n’ont aucune activité à mener hormis la pêche. Ils doivent tout acheter pour vivre avec leur famille.

Donc, quand ils finissent de faire la vente de leurs produits, ils vont à la boutique pour acheter du riz, de l'huile, du savon, et autres. Ce, parce qu'ils n'ont pas de plantations susceptibles de leur fournir de la nourriture et autres formes de commerce.

C’est pour cela que le poisson est cher. C'est ce qu'ils nous ont fait savoir. Pour pallier le problème,  nous sommes en train de mener des études sur le sujet. Je pense que nous, en tant qu’équipe municipale, ce que nous pouvons faire, ce sont des projets d'aménagement.

Nous avons en réflexion la construction d’un débarcadère, afin de pouvoir installer un système de contrôle et de suivi de la pêche.

Toutefois qu'on finalisera ce projet, nous pourrons demander à faire un contrôle sur la gestion et la vente du poisson. Ce qui occasionnera la baisse des coûts du poisson.

Votre localité s'affiche comme un pôle touristique. De quels atouts disposez-vous ?

Taabo a tant de potentiels. En plus de l'eau, le relief et les atouts découlant de l’agroforesterie et l’agrotourisme sont également des sources génératrices de revenus.

Déjà, nous pensons que c'est pour de l'eau que beaucoup d'hommes vont à Sydney, à Bassam, etc. Ceci dit, nous pensons que Taabo a un bel avenir touristique. En effet, nous avons la bordure du plan d'eau que nous pouvons aménager pour créer un cadre touristique paisible et innovant.

Aussi sur le plan d’eau, notre commune a des îles de plusieurs hectares non encore exploitées. Nous avons des montagnes qui offrent une vue panoramique. Avec tout ceci, je pense que notre commune a du potentiel en valeur ajoutée dans le secteur touristique qui pourrait se vendre.

C'est en ce sens que nous œuvrons pour avoir des partenaires pour accentuer ce que nous avons débuté. Notre combat est d’attirer des opérateurs économiques, des partenaires qui pourront développer le tourisme au profit de la municipalité et ses populations.

La culture est un maillon indispensable de la chaîne de développement. Quelle place occupe-t-elle dans votre programme ?

Dans notre programme de développement, la culture s’affiche comme une priorité. Elle est une priorité pour nous. Je peux dire qu'elle occupe même la première place.

Comparativement à la culture, vous avez accueilli du 6 au 9 décembre dernier, la quatrième édition du festival international nomade de l’acteur solo, un événement culturel international majeur. Alors, quel impact peut-il avoir sur la population en général et les élèves en particulier?

Ce qui s’est passé avec les élèves va apporter un changement de mentalité, si j’ose dire. Et surtout de manière très rapide dans l'esprit des enfants. Ce festival va leur inculquer les bonnes manières de vivre en société.

Ce qui vient compléter la double éducation, dont celle qu'offre la famille et celle que donne l’école. Il va permettre de sécuriser l'avenir de ces enfants et créer un pôle d'échanges. Et cela sera vraiment très important pour l'avenir de ces élèves.

Nous sommes au terme de nos échanges, alors quel est votre mot de fin?

Pour ce qui est de mon mot de fin, je formule une doléance aux autorités étatiques vis-à-vis du barrage de Taabo. En tant que maire, je souhaiterais que notre localité située à 191 km d'Abidjan et 90 km de Yamoussoukro, bénéficie d'une attention particulière  de la part de nos autorités gouvernementales.

 Le département regorge de beaucoup de potentialités et ne rêve qu’à être bien accompagné pour amorcer son développement durable. Surtout qu’il est un fournisseur incontournable d’électricité depuis des décennies.

En ce sens, outre les gouvernants, je lance un appel aux opérateurs économiques, bailleurs de fonds et apporteurs  d'affaires Qu’ils viennent nous rencontrer afin de leur trouver des facilités d’installation. Notre commune qui a un cadre de vie très sécurisé et aux nombreux atouts, mérite qu’une attention particulière lui soit prêtée.

Je voudrais par ailleurs renseigner les uns et les autres, qu’un deuxième barrage va ouvrir sous peu ses portes dans le département, notamment à Singrobo-Ahouaty. Nous demandons à l'Etat de nous permettre de voir nos rues être revêtues de bitume en quantité considérable. En effet, ce n’est pas le petit Taabo du temps de la construction du barrage.

La ville a grandi et sert de liaison entre les villes de Djékanou, Hiré, Tiassalé. Nous souhaiterions aussi une extension de l’adduction en eau potable et des poteaux électriques pour la distribution de l’électricité aux populations des nouveaux quartiers et villages de la commune qui n’en sont pas encore pourvus.

Dans les normes, notre localité qui produit de l'électricité  devrait être très illuminée que ce que nous voyons aujourd'hui sur tout le territoire administratif de Taabo. 

Aujourd'hui quand le touriste découvre toutes les villes de Côte d'Ivoire, il est ébloui de nuit par les lampadaires plantés des deux côtés de la voie.

Alors qu'à Taabo d'où est produite l'électricité, ce n’est pas pareil. Il faut que cela change. Autant qu’est produit ici le courant électrique, nous souhaiterions profiter au maximum de cette matière. J'avoue que même le barrage n'est pas éclairé.

Il y a d’ailleurs eu plusieurs cas d'accidents sur la digue qui conduit à l’usine. Notre souhait est que Taabo village soit éclairé jusqu'à l'autoroute du Nord. 

Je voudrais dire une fois encore merci à l'initiateur du festival, Eugène Momo Ekissi, qui a installé ses quartiers dans notre commune.

 

Propos recueillis par Ouattara Koffi