Abidjan Jazz Fusion Arts/1ère édition ‘’The Shining Storm Band’’, la révélation du festival
Abidjan Jazz Fusion Arts/1ère édition ‘’The Shining Storm Band’’, la révélation du festival
Ils n’étaient que trois: Johann à la basse, Joël à la batterie et Roger au piano. Pourtant, ce trio du groupe "The Shining Storm Band" a réussi à faire vibrer l’assistance hétéroclite, ce vendredi 6 décembre 2024, dans la salle de spectacle de la Rotonde des Arts Contemporains, à Abidjan-Plateau.
Les amateurs de jazz présents ne se sont pas privés de montrer leur plaisir, comme en témoignent les salves d’applaudissements qui ont fusé de t
outes parts. Les "crack", "pop" et "bonk" de la caisse claire, les "hiss" des cymbales et de la charleston, ainsi que le "bark" (accent rapide d’ouverture/fermeture de la charleston) de la batterie, les vibrations des cordes de la guitare basse et du piano lors de chaque interprétation des morceaux cultes du groupe — tirés du répertoire national, moderne et tradi-moderne — ont fait monter crescendo l’enthousiasme.
Cela a incité les festivaliers, y compris les Occidentaux qui ajoutaient des mouchoirs en symbiose avec les locaux, à esquisser des pas de danse.
Ce public en ébullition, électrisé par des décibels harmonisés et synchronisés, ne pouvait rester assis et s’est levé pour participer à cette célébration de la musique jazz.
L’arrivée de Constant Boty sur scène, sa guitare en bandoulière, a été un moment marquant. Dès les premières notes, les passionnés de jazz n’ont plus pu rester en place.
Ce « poète musical » a fait vibrer les cordes de sa guitare, produisant des sons aigus et graves qui ont déchiré le silence de la salle.
Un autre temps fort de ce festival a été la fusion entre Constant Boty, Roger, et la famille Pango. Johann, Joël, Roger et le jazzman Constant Boty ont échangé musicalement à travers leurs instruments respectifs, transportant le public dans leur passion commune : la musique.
Ensemble, sur la même scène, ils ont ressuscité l’esprit légendaire de Fela Kuti et fait revivre des sons de coupé-décalé et de reggae. Un standing ovation est venu saluer le talent des artistes !
En première partie, l’Harmonie du Plateau a ouvert les festivités avec une prestation très appréciée, suivie par l’artiste burkinabé Amsatou Barry.
Sa voix griotique, empreinte de son timbre mandingue, a séduit le public. Malgré un problème avec sa guitare à cordes légères, Amsatou Barry a joué avec la guitare à cordes lourdes de Constant Boty et a chanté en chœur avec les festivaliers le refrain de sa chanson "Adjarabi, min léléfê"
— "Mon amour, c’est toi que j’aime" en français. L’orchestre de la mairie du Plateau a également brillé, captivant l’audience avec des interprétations de "Tifi congo" de Kali (Martinique), "Let it Be" des Beatles, "Yaye Demin" de Monique Séka et Meiway, et "Associé" de Fally Ipupa, pour 30 minutes de show intense.
En fin d’après-midi, des artistes plasticiens ont démontré leur talent à travers diverses performances. Parmi eux, le groupe Wôwô Extra de l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC).
Les peintres Tanoh, Tada, Jésus et Messi ont peint sur une toile en carton, représentant des canaris et des silhouettes de femmes.
Le plasticien Soro Pehouet et ses élèves de l'Atelier Pehouet ont également impressionné avec leur savoir-faire en matière de peinture. Le festival Abidjan Jazz Fusion Arts est en effet un espace de rencontre entre les arts visuels et la musique jazz.
Le groupe Wôwô Extra de l’Insaac en pleine performance dans la cour de la galérie.
Un Succès malgré les défis
Nonobstant les difficultés majeures liées au financement, la première édition du Festival Abidjan Jazz Fusion Arts a pu, bon gré mal gré, se tenir, au grand bonheur de ses initiateurs.
Le professeur Yacouba Konaté, directeur de la Galerie La Rotonde des Arts Contemporains, n’a pas caché sa satisfaction d’avoir pu réaliser cette initiative. « Oui, on peut le dire, grâce à Dieu et à la presse, nous avons réussi à organiser cet événement. Évidemment, lorsqu'on organise une première édition, on teste ce en quoi l'on croit, mais on ne reçoit pas toujours les soutiens attendus.
Cependant, avec l'expérience, on sait qu'il y a toujours une marge d'erreur, mais aussi une grande part de conviction. Parce qu'un projet commence d'abord sur le papier. À partir du moment où, sur le papier, le projet est concluant, nous, en tant qu'intellectuels, croyons que ça va marcher.
Bien sûr, il est possible de se tromper, mais Dieu merci, nous ne nous sommes pas complètement trompés. Au final, je pense que les attentes n'ont pas été déçues. »
Cependant, les principaux problèmes rencontrés étaient essentiellement liés aux moyens financiers. « Mobiliser les ressources pour ce type de projet n'est pas facile. Je peux vous dire que nous avons envoyé une quinzaine de lettres, mais nous n'avons reçu que deux réponses.
Ces réponses étaient des soutiens symboliques. Personne ne nous a donné un sou pour réaliser ce que nous avons fait. C'est pourquoi je remercie tous les groupes qui sont venus, qui ont compris l'ampleur du projet et qui n'ont pas posé d'exigences exorbitantes, ce qui nous a permis de démarrer. »
Malgré les moyens réduits, portés essentiellement par la Fondation Nour Al Hayat et La Rotonde des Arts, une deuxième édition est envisagée. « Nous espérons simplement qu'au fil du temps, d'autres partenaires nous rejoindront. Il y aura une deuxième édition.
Nous n'allons pas attendre que cela s'annule, car l'objectif est de transformer cette salle de La Rotonde des Arts, qui n'est pas très grande mais très fonctionnelle, en un lieu où, tous les deux ou trois mois, les spécialistes de cette musique, le jazz, pourront se retrouver », a promis le professeur Konaté.
De son côté, Constant Boty, l’initiateur du projet Abidjan Jazz Fusion Arts, a déploré le manque d’intérêt des mécènes ivoiriens pour la promotion des arts et de la culture en Côte d’Ivoire.
« Les difficultés se situent au niveau du mécénat, notamment en Côte d'Ivoire. Les gens doivent adopter cet état d'esprit. Pour ma part, cela fait 15 ans que j'ai quitté la Côte d'Ivoire. J'ai vécu dans des pays anglophones, aux États-Unis, et j'ai travaillé en Allemagne.
Mais, quand il s'agit de quelque chose qui concerne la communauté, dans ces pays, les gens se mobilisent. En Côte d'Ivoire, on dit qu'il faut soumettre un dossier pour organiser un événement, et nous avons demandé des partenariats environ six mois à l'avance.
C'est exactement ce que nous avons fait, mais les gens n'ont pas réagi. À la dernière minute, c'est nous qui devons sortir l'argent de nos poches. Il est donc vraiment nécessaire que le mécénat développe cette sensibilité à l'importance de rassembler les gens et d’offrir de l'espoir à travers nos talents », s'est indigné l’artiste, qui vit aujourd'hui aux États-Unis.
Constant Boty et le groupe ‘’The Shining Storm Band’’ en pleine prestation à la première édition du Festival Abidjan Jazz Fusion Arts à Abidjan-Plateau.
Toutefois, le guitariste ivoirien s’est félicité que son initiative ait réussi et que les amoureux de jazz aient pu se retrouver pour vibrer au son de ce genre musical né dans les communautés noires américaines.
« Je suis dans mon élément. Je ne sais même pas comment l'exprimer, car j'évite toujours de me placer au centre de ce que je crée. Ce n'est pas la force du créateur qui est à l'origine de tout cela...
Je sais que cela peut paraître comme une réflexion critique ou religieuse, mais nous sommes des êtres spirituels. Voir nos actions se réaliser avec le concours de tout le monde me rend heureux, et je me sens pleinement vivant. C'est un véritable miracle », s’est-il réjoui.
Tour à tour, les promoteurs de l'événement ont remercié la Fondation Nour Al Hayat, l’ambassade de Grande-Bretagne, la mairie du Plateau, et La Rotonde des Arts Contemporains. Rideau sur la première édition, cap sur la deuxième édition en 2025 !
Patrick KROU