MILIEU CARCÉRAL EN CÔTE D’IVOIRE : ET POURTANT LES DÉTENUS ONT DES DEVOIRS ET DES DROITS CODIFIÉS
MILIEU CARCÉRAL EN CÔTE D’IVOIRE : ET POURTANT LES DÉTENUS ONT DES DEVOIRS ET DES DROITS CODIFIÉS
Dans cette deuxième partie de notre dossier, nous nous pencherons sur les droits des détenus, régis à la fois par des textes internationaux et nationaux. Deuxième partie.
Les droits des détenus sont constamment violés en Côte d'Ivoire, affirment plusieurs ex-détenus, témoignant des conditions de vie précaires et des abus dans les prisons du pays.
Bien qu'en situation de privation de liberté, tout détenu a des devoirs qu'il se doit de respecter. Il est tenu de suivre le règlement intérieur établi par l'administration pénitentiaire. De plus, il doit respecter les autres détenus ainsi que le personnel pénitentiaire.
En parallèle, le détenu bénéficie de droits fondamentaux, applicables à toutes les étapes de sa détention. Ces droits reposent sur la légalité de la détention, telle que prévue par l'article 9, alinéa 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l'article 6 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), les articles 11 et 12 de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016, ainsi que le Décret n°2023-239 du 5 avril 2023, portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d'exécution de la détention.
Voici les droits essentiels dont tout détenu doit bénéficier :
- La présomption d'innocence (article 7 de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016) ;
- Un traitement avec humanité et dignité (article 10 du PIDCP, article 1 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme - DUDH, article 2 de la Constitution ivoirienne de 2016, et article 36 du Décret 2023) ;
- La non-discrimination (article 26 du PIDCP, article 2 de la CADHP, article 4, alinéa 2 de la Constitution ivoirienne de 2016, et article 35 du Décret 2023) ;
- Le droit à la communication (article 169 du Code de procédure pénale - CPP, et articles 140 et 143 du Décret 2023) ;
- Le respect de l'intégrité physique et morale (article 9 du PIDCP, article 4 de la CADHP, et articles 87 et 121 alinéas 1 & 2 du Décret 2023) ;
- Le respect des principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de redevabilité en matière de recours à la force et aux armes à feu (article 3.c du Code de conduite des Nations Unies et Observation générale n°3, paragraphe 12 du Comité des droits de l'Homme) ;
- L'interdiction de la torture (article 7 du PIDCP, article 2 de la Convention contre la torture, article 5 de la CADHP, article 5 de la Constitution de 2016, et article 36 du Décret 2023) ;
- Le caractère sacré de la vie (article 6 du PIDCP, article 3 de la DUDH, article 4 de la CADHP, et article 3 de la Constitution de 2016) ;
- Le respect de la dignité lors des fouilles (articles 83 alinéa 3, 84 alinéa 1, 85 et 86 du Décret 2023) ;
- La séparation des catégories de détenus (articles 719 et 722 du Code de procédure pénale, et article 38 du Décret 2023).
Droits acquis aux premières heures et pendant la détention
En plus des principes applicables aux détenus, certains droits leur sont spécifiquement reconnus dès le début et tout au long de la détention. Aux premières heures de leur détention, les détenus bénéficient des droits suivants :
- Le droit à l'information relatif à leurs droits et obligations ;
- Le droit à un examen médical à l'entrée (Principe 24 de l'Ensemble de principes, article 215 alinéa 1 du Décret 2023) ;
- Le droit d'informer leurs proches de leur situation (article 74 du Code de procédure pénale - CPP) ;
- Le droit à l'ouverture d'un dossier individuel (article 34 du Décret 2023) ;
- Le droit au logement (articles 96 et 97 du Décret 2023).
Pendant la détention, les détenus jouissent des droits suivants :
- Le droit à la santé (article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels - PIDESC) ;
- Le droit à une alimentation adéquate (article 11 du PIDESC, article 197 alinéa 1 du Décret 2023) ;
- Le droit à un environnement salubre (article 12 alinéa 2.b du PIDESC, article 203 du Décret 2023) ;
- Le droit à l'éducation et à la formation (article 13 du PIDESC, article 17 de la CADHP, et article 150 du Décret 2023) ;
- Le droit aux activités récréatives (article 155 du Décret 2023) ;
- Le droit à l'information (article 148 du Décret 2023) ;
- Le droit de porter plainte en cas d'atteinte à leurs droits (article 14 alinéa 1 du PIDCP) ;
- Le droit à la promenade et au temps d'ensoleillement (article 97 du Décret 2023) ;
- Le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement (article 11 du PIDESC, article 201 du Décret 2023) ;
- Le droit à la propriété (article 183 du Décret 2023).
À leur sortie de détention, les détenus conservent certains droits importants, notamment :
- Le droit à la libération (articles 12 et 22 du Décret 2023) ;
- Le droit à la restitution de leurs biens personnels (article 196 du Décret 2023) ;
- Le droit à la santé à leur sortie (article 230 du Décret 2023).
Les droits des prévenus et des détenus sont souvent confondus dans le milieu carcéral ivoirien.
Les droits spécifiques du prévenu
Dans ce cadre de droits accordés aux détenus, le prévenu – toute personne soupçonnée, prévenue ou accusée d'une infraction à la suite d'une dénonciation, d'une plainte ou d'un acte de procédure émanant d'une autorité pénale – bénéficier de droits incorporels et d'un traitement spécifique. Ces droits incluent :
Le droit à la présomption d'innocence (article 14 alinéa 2 du PIDCP, article 7.1.b de la CADHP, article 7 alinéa 4 de la Constitution ivoirienne de 2016, et article 2 du Code de procédure pénale) ;
Le droit à la séparation catégorielle : Les prévenus doivent être séparés des détenus condamnés (article 10 du PIDCP et article 38 du Décret 2023) ;
Le droit à l'exemption des corvées : Les prévenus ne peuvent être soumis à des travaux forcés (article 157 du Décret 2023) ;
Le droit à l'examen régulier du titre de détention provisoire : La légalité de la détention provisoire doit être régulièrement réexaminée (Ligne directrice 12.a des Lignes directrices de Luanda) ;
Le droit de visite : Les prévenus ont le droit de recevoir des visites (article 129 du Décret 2023 et article 169 du Code de procédure pénale).
Droits de détention des groupes de personnes vulnérables
Selon la loi pénale, une personne vulnérable est définie comme « un mineur de moins de 15 ans ou une personne incapable de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, ou de son état de grossesse ». Cette catégorie de personnes bénéficie d'un régime de détention spécifique qui garantit une protection particulière. Leurs droits incluent :
Le droit à la séparation catégorielle (article 38 du Décret 2023) ;
Le droit à la protection contre les violences sexuelles (règle 25.2 des Règles de Bangkok) ;
Le droit au respect de la confidentialité des informations relatives à la santé maternelle (règle 8 des Règles de Bangkok) ;
Le droit à une alimentation spécifique pour les femmes enceintes (article 197 du Décret 2023) ;
Le droit au respect des besoins spécifiques en matière d'hygiène (règle 5 des Règles de Bangkok) ;
Le droit à la santé reproductive (article 223 du Décret 2023) ;
Le droit des femmes enceintes de ne pas être sanctionnées par l'isolement cellulaire (article 112 du Décret 2023) ;
Le droit des femmes enceintes de ne pas subir de moyens de contrainte (entraves) pendant le travail et l'accouchement (article 46 du Code pénal).
Le droit à la séparation catégorielle est respecté, selon les détenus.
Droits des mineurs en détention
En droit ivoirien, une personne est considérée comme mineure lorsqu'elle n'a pas encore atteint l'âge de dix-huit (18) ans. En principe, les enfants placés en détention bénéficient des mêmes garanties judiciaires que les adultes détenus, mais ils ont également droit à une attention et une protection particulière. Ce traitement spécifique leur accorde des droits tels que :
Le droit à la séparation catégorielle : Les mineurs doivent être séparés des adultes détenus (article 67 du Décret 2023) ;
Le droit à l'information des proches , en particulier les parents (règle 22 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté) ;
Le droit à une promenade adaptée (article 68 du Décret 2023) ;
Le droit aux activités scolaires (article 69 du Décret 2023) ;
Le droit à la formation professionnelle (règles 42 et 43 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, article 6 du Décret 2023) ;
Le droit aux activités sportives et récréatives adaptées (article 69 du Décret 2023) ;
Le droit à une alimentation appropriée (article 197 du Décret 2023) ;
Le droit à un couchage adéquat (article 70 du Décret 2023) ;
Le droit à un vêtement approprié (article 70 du Décret 2023) ;
Le droit à une prise en charge médicale (article 70 du Décret 2023) ;
Le droit à la communication avec leurs proches (article 70 du Décret 2023) ;
Le droit de visite (article 70 du Décret 2023) ;
Le droit à des mesures de sanctions adaptées aux mineurs (article 112 alinéa 2 du Décret 2023, règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté).
Droits des personnes en situation de handicap en détention
Les personnes en situation de handicap doivent être placées, dans la mesure du possible, dans des quartiers adaptés à leur condition. Elles bénéficient d'aménagements raisonnables, en fonction de la nature de leur handicap, afin de garantir leur dignité et leur sécurité pendant la détention. Ces aménagements incluent :
Le droit à des installations accessibles et adaptées pour les déplacements, l'hygiène et la vie quotidienne ;
Le droit à un suivi médical spécifique en lien avec leur handicap ;
Le droit à un soutien approprié pour accomplir les tâches quotidiennes, selon les besoins individuels ;
Le droit à la non-discrimination en raison de leur handicap, conformément aux normes internationales et aux lois nationales ;
Le droit à une protection renforcée contre toute forme de violence ou de mauvais traitement, compte tenu de leur vulnérabilité.
Ces droits visent à garantir que les personnes en situation de handicap bénéficient d'un traitement équitable et humain en détention, en accord avec leur condition spécifique.
(À suivre...)
Patrick KROU