Afrique : À quand la dépolitisation de l'administration publique ?
Afrique : À quand la dépolitisation de l'administration publique ?

Dans nombre de pays africains, l’administration publique reste perçue comme une extension du pouvoir politique.
Héritée des premières années post-indépendance, cette confusion entre État et parti affaiblit les institutions, accentue les inégalités et nourrit les crises.
Or, une administration neutre, professionnelle et orientée vers le service public est indispensable à la consolidation de l’État de droit.
Depuis les années 1960, de nombreux régimes ont utilisé les institutions pour renforcer leur mainmise sur l’appareil d’État. Ministères, médias publics, services administratifs ou forces de sécurité deviennent des leviers d’influence au service du pouvoir en place. Résultat : un fossé croissant entre citoyens et autorités, et une défiance persistante envers l’État.
L’administration, censée incarner l’intérêt général, est souvent réduite à un outil de propagande. Les médias publics, financés par l’impôt, donnent rarement la parole à l’opposition en dehors des campagnes électorales.
Les infrastructures publiques sont fréquemment réservées au parti au pouvoir, tandis que l’opposition et la société civile peinent à obtenir des autorisations pour se réunir.
Les conséquences sont visibles.
Les récents coups d’État en Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger) sont survenus dans des contextes de politisation extrême des institutions. Dans ces pays, les dirigeants croyaient contrôler l’appareil d’État, sans réaliser que la rupture de confiance avec les citoyens était profonde et irréversible.
Les signes avant-coureurs étaient pourtant clairs : marginalisation de la société civile, justice affaiblie, opposition bâillonnée.
À l’opposé, certains pays anglophones du continent illustrent une autre approche. Le pouvoir judiciaire y joue pleinement son rôle de contre-pouvoir.
La séparation des pouvoirs est mieux respectée, les règles du jeu politique plus claires.
Cette solidité institutionnelle renforce la stabilité démocratique et la liberté d’expression.
Il devient urgent d'engager des réformes structurelles pour dépolitiser l’administration publique.
Cela passe par une séparation nette entre l’État et les partis, une égalité d’accès aux médias publics, une justice indépendante, et des commissions électorales réellement crédibles. Trop souvent, les critiques des dérives institutionnelles changent de discours une fois au pouvoir, prolongeant le cycle de méfiance.
Barack Obama, lors de sa visite au Ghana en 2009, affirmait : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. »
Cette phrase reste d’une actualité brûlante.
Sans administration impartiale et compétente, il n’y a ni démocratie durable, ni développement solide.
L’exemple sud-africain mérite d’être cité. Depuis la fin de l’apartheid, la justice et le Parlement ont su rester indépendants, allant jusqu’à poursuivre ou destituer des présidents en exercice.
Ce respect des institutions crée un climat de confiance propice à l’investissement et à la cohésion sociale.
Les régimes passent, les institutions demeurent.
À l’heure où les défis sécuritaires, économiques et sociaux se multiplient, il est temps de replacer l’administration publique au cœur du pacte républicain : au service du citoyen, rien que du citoyen.
Adou Evariste
Analyste politique