Prof. Euloge Kouadio Kramoh, Directeur général ICA : "L’Institut de Cardiologie d’Abidjan regorge en son sein tous les spécialistes qui s’occupent des maladies du cœur (…). A ce jour, plus de 2000 interventions à cœur ouvert y ont été réalisées
Prof. Euloge Kouadio Kramoh, Directeur général ICA : "L’Institut de Cardiologie d’Abidjan regorge en son sein tous les spécialistes qui s’occupent des maladies du cœur (…). A ce jour, plus de 2000 interventions à cœur ouvert y ont été réalisées
Inauguré en 1978, l’Institut de Cardiologie d’Abidjan (ICA) est un établissement public national, spécialisé dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires.
Dans un entretien accordé au Centre d’Information et de Communication Gouvernementale (CICG), le Directeur général de l’ICA, le Professeur Euloge Kouadio Kramoh, présente les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et invite les populations à des séances de dépistage gratuit à l’ICA, à l’occasion de la Journée Mondiale du Cœur, du 29 septembre au 1er octobre 2024.
Monsieur le Directeur général, présentez-vous et présentez l'Institut de Cardiologie d'Abidjan à nos lecteurs.
Je suis Professeur Kramoh Kouadio Euloge, Directeur général de l’Institut de cardiologie d’Abidjan (ICA). L’ICA est un établissement public national, donc un hôpital public, spécialisé dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Nous faisons non seulement la prévention, mais aussi le traitement des maladies cardiovasculaires, de même que l'enseignement et la recherche relativement aux maladies cardiovasculaires.
Dans le cadre de la lutte contre les maladies liées au cœur, quelles sont les actions en cours au sein de l’ICA ?
Le 29 septembre est la Journée Mondiale du Cœur. Et nous, spécialistes de la santé, nous devons présenter les facteurs de risque de la maladie cardiovasculaire au grand public.
Il s’agit, notamment, de l'hypertension artérielle, du diabète, de la prise de tabac, du cholestérol, de l'absence de pratique de sport, de l'obésité... Tous ces facteurs font courir au cœur le risque d'un accident cardiovasculaire.
Pour l’éviter, il faut pratiquer régulièrement du sport, un sport modéré et séquencé de 3 à 6 heures de temps par semaine. L’on prévient un tiers des accidents cardiovasculaires en pratiquant le sport. C’est donc le moyen le plus accessible, facile et simple de protéger notre cœur contre les accidents cardiovasculaires.
Toutefois, lorsqu'on est atteint d'un facteur de risque, notamment l'hypertension artérielle qui est le plus fréquent de ces facteurs de risques cardiovasculaires, il faut alors prendre le remède qui est un traitement, non pas à vie, mais pour la vie.
Ce traitement met à l'abri des complications de la maladie tels que l'accident vasculaire cérébral (AVC) pris en compte par les neurologues, et la crise cardiaque ou insuffisance cardiaque pris en charge à l'Institut de Cardiologie d'Abidjan. Il y a également les accidents de type néphrologique (insuffisance rénale) pris en charge par le néphrologue.
Les maladies cardiovasculaires constituent, selon l'OMS, l’un des principaux cas de décès dans le monde. Quelle est la situation en Côte d'Ivoire ?
La situation est quasiment identique. A ce jour, les maladies cardiovasculaires sont les premières tueuses. Les statistiques indiquent, en effet, qu’il y a 17 millions de décès par an dans le monde. Ce qui est gênant, c'est que la plupart des accidents sont évitables par la prise en charge des facteurs de risque, les bonnes pratiques, à savoir : une alimentation saine et équilibrée, la lutte contre l'obésité, la lutte contre la dyslipidémie.
Toute personne qui prend en compte ces facteurs de risque et observe les mesures que nous avons indiquées plus haut, pourra alors avoir une vie prolongée au bénéfice d’elle-même, de ses enfants, de ses parents, de la nation, et partant, de toute la société. Car, lorsque vous n’êtes plus là, c'est une perte sèche pour tout le monde eu égard aux compétences que vous mettez à la disposition de tous. Voilà pourquoi l'État a mis en place cet établissement public pour prendre en charge des maladies cardiovasculaires.
Aujourd'hui, avec le plateau technique de pointe que l'État a mis à notre disposition, nous sommes capables de prendre en charge au moins 90% des maladies cardiovasculaires qui existent. Tous les spécialistes qui s’occupent des maladies de cœur sont présents au sein de l'Institut de Cardiologie d’Abidjan. Les opérations à cœur ouvert y sont d’ailleurs réalisées. La première a eu lieu en 1978. A ce jour, ce sont plus de 2000 interventions à cœur ouvert qui y ont été réalisées.
Pour ce qui concerne les maladies coronariennes, quand il y a la crise cardiaque, nous posons des stents, une sorte de ressort, pour déboucher les artères du cœur. Nous posons également de petits ressorts dans les artères des membres inférieurs bouchés. Nous travaillons donc sur tout le système cardiovasculaire.
Lorsqu’il s’agit de blocs auriculo-ventriculaires, nous posons des piles dans le cœur des personnes du troisième âge, dont le cœur ne bat plus correctement. Ces piles ont une durée de vie de plus de 15 ans. Ce qui permet de prolonger la vie des séniors. Il y a aussi les troubles du rythme cardiaque (le cœur bat en désordre), un genre d'épilepsie. Nous avons des moyens de prendre en charge toutes ces différentes pathologies dans le domaine cardiovasculaire.
Il y a, en outre, le volet formation qui est l’une de nos vocations. Plus de 250 médecins, dont 150 Ivoiriens, ont déjà été formés à l’ICA. Je voudrais, par ailleurs, témoigner ma gratitude à notre ministre de tutelle, M. Dimba Pierre, qui nous a permis d’affecter des cardiologues dans toutes les régions sanitaires de Côte d'Ivoire. Nous les avons formés et mis à disposition de l'État pour que les Ivoiriens n'aient plus tous à converger à l'Institut de Cardiologie d'Abidjan pour se faire prendre en charge. L'Institut demeure la maison mère et reste en contact avec ces cardiologues avec qui nous avons des échanges d’informations, des références et contre-références pour optimiser la prise en charge des populations vivant en Côte d'Ivoire.
Nous avons également formé plus de 100 cardiologues non-ivoiriens, venant de plus de 15 Etats (Mali, Tchad, Niger, Comores, RDC, Gabon, etc). Ceux-ci viennent se former chez nous parce que notre établissement est reconnu dans le milieu de la cardiologie comme un établissement de référence où toutes les pathologies cardiovasculaires sont traitées. Ainsi, en venant chez nous, ils ont une large ouverture sur l'ensemble des affections cardiovasculaires qui existent actuellement.
À combien estimez-vous aujourd'hui en moyenne le nombre de patients traités à l'ICA chaque année ?
Au niveau de la consultation, nous recevons en moyenne 25 000 personnes par an. Pour les urgences, ce sont 18 000 personnes. Et en médecine, pour tous les services hospitaliers confondus, nous sommes à plus de 10 000 patients par an.
Nous voulons réitérer nos remerciements à nos autorités qui nous ont permis d’acquérir des équipements de pointe. Elles ne cessent de déployer les grands moyens pour que les malades cardiovasculaires soient bien pris en charge à l'ICA, le seul centre public qui prend en charge les maladies cardiovasculaires dans notre pays à ce jour.
Dans cette dynamique, il y a un bâtiment en construction en vue d’abriter une IRM et un scanner, appareils nécessaires pour la précision des lésions. Jusque-là, ces aspects étaient externalisés, et les malades étaient évacués en périphérie par ambulance pour réaliser ces examens. D’ici peu, cette difficulté sera résolue.
Quel appel à l'endroit de la population ?
Nous exhortons la population à se faire dépister de l'hypertension artérielle. A cet effet, pour la Journée mondiale du cœur, nous allons organiser, trois jours durant, des dépistages gratuits de l'hypertension artérielle au sein du jardin de l'ICA. Nous y invitons toutes les populations.
Nous les invitons aussi à adhérer à la Couverture Maladie Universelle (CMU). Notre Ministère de tutelle travaille de sorte que la plupart des établissements publics soient agréés pour que les populations viennent se faire soigner, d’autant plus que les médicaments concernant l'hypertension artérielle et le diabète viennent de rentrer dans le panier de la CMU.
Les populations pourront, par conséquent, avoir suffisamment de médicaments pour normaliser leur pression artérielle et éviter l'insuffisance rénale, la crise cardiaque et les AVC.
A ce jour, l'État fournit beaucoup d’efforts. Des centres d’hémodialyse sont mis en place à travers le pays. Les populations doivent retenir qu’on peut éviter de se faire dialyser en prenant correctement ses médicaments. Je vous remercie.
CICG