POLITIQUE IVOIRIENNE : LES BINATIONAUX, CITOYENS DE SECONDE ZONE ?
POLITIQUE IVOIRIENNE : LES BINATIONAUX, CITOYENS DE SECONDE ZONE ?

La question de la nationalité a toujours été au cœur du débat politique en Côte d’Ivoire depuis plusieurs décennies, créant ainsi une forme de catégorisation au sein de la société ivoirienne.
Pourtant, la double nationalité devrait être perçue comme une richesse, compte tenu du brassage culturel et des compétences qu’elle valorise au sein d’une nation.
De nombreuses hautes personnalités ivoiriennes possèdent une double nationalité, acquise par filiation, par mariage ou lors de leurs études à l’étranger.
En France – pays dont la Côte d’Ivoire s’inspire souvent – plusieurs figures politiques disposent également d’une double nationalité ou d’une nationalité étrangère.
En Côte d’Ivoire, bon nombre de familles comptent en leur sein des binationaux.
C’est précisément pourquoi le père de la Côte d’Ivoire moderne, dans sa vision de rassemblement et de cohésion nationale, avait soumis à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à instaurer la double nationalité.
Il est donc nécessaire de dépolitiser ce débat. Aujourd’hui, le président du PDCI-RDA, Cheick Tidjane THIAM, en est la cible. Pourtant, ses frères et sœurs peuvent obtenir un certificat de nationalité sans difficulté, alors qu’ils partagent les mêmes parents. Comment comprendre que lui seul fasse l’objet d’un traitement qui s’apparente à du harcèlement juridique ?
Un scénario qui rappelle le vécu de DJENI KOBINA Georges Kouamé, fondateur du RDR, ou encore celui d’Alassane Ouattara à la création de ce même parti.
Nos responsables politiques gagneraient à ne pas instrumentaliser la question de la nationalité à des fins électorales, tant ce sujet demeure sensible et chargé d’histoire.
Le pouvoir actuel devrait éviter de raviver une polémique qui a déjà coûté cher à de nombreuses familles et au pays tout entier.
Un dialogue politique inclusif entre le pouvoir et l’opposition permettrait d’apaiser les tensions sociales, dans un contexte où les prémices d’une nouvelle crise politique se dessinent.
Au nom de la paix, le Président de la République – garant de la cohésion nationale – se doit de privilégier la stabilité, surtout au regard des sacrifices consentis pour ramener la paix après la crise de 2002, puis celle de 2010, qui a fait plus de 3 000 morts.
Les binationaux ont beaucoup contribué au développement humain et économique du pays.
Ils ne devraient en aucun cas être considérés comme des citoyens de seconde zone. Beaucoup ont quitté des postes prestigieux à l’international pour revenir servir leur pays d’origine, mettant leurs compétences et leur expertise au service de la nation.
Nos décideurs devraient avoir honte du traitement infligé à Cheick Tidjane THIAM, dont la réputation dans les sphères économiques et financières internationales fait la fierté de nombreux jeunes Ivoiriens. C’est un modèle d’excellence, de compétence et de mérite.
Les binationaux ne doivent pas être exclus du débat politique, ni empêchés d’accéder à de hautes responsabilités. Toutes les institutions sous-régionales, continentales et internationales encouragent aujourd’hui le brassage interculturel et la mobilité des compétences.
Comme le dit le sage : "Les mêmes causes produisent les mêmes effets." Il est donc impératif d’éviter le retour du syndrome néfaste qu’a connu notre pays lors de la crise identitaire.
ADOU Evariste Analyste politique